La nuit ma maison
prend des airs de lune
et je ne sais plus bien
qui l'habite vraiment
du dedans du dehors

Lorsque mon oeil mourra
et que ma bouche pleine de terre
chantera les silences
où s'envoleront les rideaux
qui tiendra la main des roses
et dans combien de jardins?

Car je n'aurai plus la mémoire
des nombres ni des mots
et les pierres déjà s'envolent
que je tâche de garder
comme autant de cimetières
d'oiseaux où fleuriront
des pousses de ciel
et des soifs infinies
plus vastes que
l'absence

© Hélène Phung​ 26 octobre 2015 (Poésie impromptue) Textes & Photographies Tous droits réservés.


Sous le rouge érable
quelque chose a saigné
qui n'était ni de chair
ni d'automne

En fin de journée
nous avions brûlé toutes les lueurs
épuisé tous les mots

Rien ne venait à l'horizon
que le couchant du monde
nous y avons endormi le sommeil
pour ne plus avoir à nous réveiller
jamais

© Hélène PHUNG 25 Octobre 2015 Texte & Photo tous droits réservés.

Elle est devenue
le  chemin étroit qui mène
jusqu'au bord du monde
parfois je sors pieds nus
délaissant la  chaude présence
de ton corps calice des draps
pour épouser l'infinie profondeur


Hier en fin d'après midi après deux jours d'immersion dans le tanka, je me suis baignée dans la Méditerranée. Les bains d'octobre dans la lumière rasante du jour tiennent plus de la noyade esthétique que d'une  réelle plongée  dans l'élément liquide.
D'ailleurs je suis ressortie couverte de feux miroitants;  tous les ors d'automne que nous avions cherché en vain dans  un parc arrêté au printemps, je les ai trouvés accrochés au sable tardif de ma peau.
 Le chant infini des rousseurs eut lieu dans la porosité des roches qui avaient gardé des parcelles de soleil rouillé dans d'infimes poches d'eau. A la surface des algues rougeâtres accrochées à une  humidité  qui fut avec moi emportée. Rien ne fut épongé, car  je n'avais pas de  serviette.
 Tu vas attraper la crève a dit mon compagnon. J'ai ouvert la bouche finalement je n'ai rien dit. Juste écrit un haïku. 17 syllabes peuvent tout résumer parfois...
(A Martigues, sur le départ. ...)


Nous sommes redescendues sur terre.
Je suis revenue m'installer autour de mes os. Ayant renoué les attaches des muscles, j'ai du même coup renoué avec la terre de mes origines: des images lointaines de rizière sont revenues.
Couleur sépia, comme si j'avais revé par mémoire interposée.
Oui, à coup sûr j'étais dans la tête de ma grand-mère maternelle, partageant avec elle des bris de terre et d' Asie lointaine, des rumeurs de vent et d' aigrettes, plumes en semis au dessus du ...ciel.
Comme nous avons volé haut lui ai-je dit.
Mais elle n'était pas là pour me répondre, et je commençais à me demander si moi-même j'étais présente dans ma parole.

Eternelle impression de se tromper de monde.
Peut-être qu'il ne vient pas chercher la bonne personne et que le temps ne s'installe pas correctement autour de chaque carcasse.
Heureusement qu'à l'intérieur quelque chose brille et gesticule en rythme, auquel on se raccroche comme s'il s'agissait d'une boussole.
Le coeur des évènements et de chaque corps en définitive.

Et puis il y a cette histoire de papillon qui rêve qu'il est un homme qui rêve qu'il est un papillon et ainsi de suite jusqu'au dernier battement d'ailes.
C'est ce type de légende qui fonde les mythologies, et nous avons bien besoin que quelque chose nous raconte pour que nous ayons foi en notre voyage.
Nul ne sait comment il a commencé ni où il nous mènera.
Nous savons juste qu' à terme il faudra de nouveau déposer les ailes, rendre la chair et manger la terre.

Alors chacun se dira: comme j'ai bien fait de crier, au temps où j'avais encore une bouche, d'écrire lorsque je possédais des plumes car rien ne reste que l'écho.
Mais il se peut aussi que le silence s'installe à tout jamais.

© Hélène Phung " De terre & d' Encre" 06 octobre 2015



Ca y est, la date est fixée.
Un envol mercredi depuis une montagne au-dessus du lac d' Annecy.  Je vais me jeter, accompagnée...

Habillez vous bien m'a conseillé au téléphone mon Icare, ( que je ne connais pas,  que je ne rencontrerai qu'au dernier moment) il fera froid dans les airs.
C'est un cadeau  de noël que m'avait concocté l'an dernier  mon compagnon: un rêve, une griserie pour tenir l'hiver jusqu'au printemps.

L'idée était douce: remonter le temps, s'envoler vers l'Asie  de mi-janvier à février, patienter en mars pour enfin réveiller le lent engourdissement du corps dans  l'ivresse des cimes, au moment de la  grande migration de mes consœurs ailées, par un vol en delta plane.

Hélas, ce n'est pas moi, mais mon fils qui s'est envolé. L'avion a déployé ses ailes,  je suis restée clouée au sol, dans un froid qui n'en finissait pas, un temps mort.
Un silence si terrestre.

Cela fera 9 mois bientôt. On ne peut à ce terme parler de délivrance. Mais le fait est que j'ai répondu à l'appel du vent. Que je frissonne  de nouveau librement  à l'idée de frissonner. 
Que je peux de nouveau remonter les sources jusqu'aux rives asiatiques, où ont commencé mon histoire et celle de l'enfant que j'ai  plus tard porté,  sans me douter qu'il finirait sa course avant moi, me laissant boucler dans son absence l'incroyable voyage.

En janvier ou en février prochain nous irons, mon compagnon ( lui que l'âge a tant  allégé, qui n'est pas si vieux que ça mais qui se comporte  comme si hier était déjà demain), ce vieux sage donc et moi  irons dans l' Inde du Nord et le Népal marcher, avec le souffle qui nous reste, plus haut , bien plus haut que nous ne le pourrons.

© Hélène PHUNG " De Terre & d' Encre" 28 Septembre 2015


A force de remonter
les nervures de feuilles
jusqu'aux racines de l'arbre
les vagues de l'océan
jusqu'aux rivières souterraines
les truites péchées à mains nues
jusqu'au frai des sources

à force de frayer
dans le courant des nuits
jusqu'à la gemme de l'aube
dans le flux du silence
jusqu'au vacarme étourdissant
de plus de silence encore

à force de nager
à contre -courant de l'absence
jusqu'à dissolution de soi

peut-être atteindrai-je
le temps cosmique?

© Hélène Phung​ " De terre & d'encre" 26 Septembre 2015


La vie tient dans un corps, une valise...
Il n'a plus de corps et sa valise est si petite.
Début octobre nous rangerons ses maigres affaires, et cela nous rappelera qu'il a toujours voulu rester léger, libre comme l'air soufflant en brise ou en rafales.
Chaque vent rencontré à présent me parle de lui.
Car nous n'avons que cela: la musique de nos souvenirs, le rythme oublié des pulsations. Nous ne sommes que vibrations, énergie nomade en territoires de survie....
Alors autant essayer de grimper jusqu'aux étoiles le temps d'un sursaut, autant s'abandonner au vertige des mots qui couvrent l'absence.
Que reste-t-il mon pauvre enfant?
Le chemin que nous avons tracé, et l'envie de le poursuivre sans toi, juste pour la beauté d'avancer encore.

© Hélène Phung " De terre et d' Encre" 22 Septembre 2016


Elle est devenue
le  chemin étroit qui mène
jusqu'au bord du monde
parfois je sors pieds nus
délaissant la  chaude présence
de ton corps calice des draps
pour épouser l'infinie profondeur
de ses gestes sombres
sa noirceur sans limite

dans sa rondeur épanouie
j'érode mes os saillants
à la source de ses lèvres humides
je baigne la sècheresse aigüe
de mes veines
moi si pareille à la feuille morte
en son sein je prolonge
mes automnes je m'étends
jusqu'aux hivers cachés
dont elle garde l'obscur secret

indéfiniment je me prolonge
touchant à l'illimité
mes pieds glissent jusqu'à l'aube
tandis que mon regard bascule
vers la voie lactée
fourmillante de lumières

nous sommes l' être
de ce moment là issu de rien
où nous revenons  sans fin
nous sommes ce que  déjà je ne suis plus
moi lourde de ma mort contenue
elle nous prend
et nous berce toutes deux
nous remplissant de son vide épais
encre sidérale silence chanté

 
retournant en son sein
(lente berceuse des sphères
matrice hors du temps )
comme en celui d'une mère lointaine
je me couche dans son néant :
la nuit.

© Hélène Phung   (" Pour bercer le néant" )
 21 Septembre 2015 Texte & Photographie droits réservés.


L’été dernier , j’ai tressé, avec un chaman uruguayen un talisman « ojos de Dios » auquel je rajoute depuis plumes et pierres au fur et à mesure qu’il s’en trouve sur mon chemin. C’est un axe comme un autre, celui-ci a le mérite de flotter léger à hauteur de mes yeux m’offrant ses couleurs étincelantes. A mes oreilles le doux cliquetis quand il s’agite au moindre vent, à mes doigts la douceur de ses cotons et duvets mêlés, à mes narines l’odeur des laines vierges…

Cette après- midi j’ai conté devant des enfants cancéreux ou très atteints (de je ne sais quoi, je n’ai pas osé le demander) appareillés,  en fauteuil, ayant du mal parfois à respirer. Un seul axe entre eux et moi : le papier que je pliais pour raconter des histoires de roses ou d’oiseaux, de cœur qui bat… L’énergie de la voix aussi. Il se trouve que j’ai  dans mon bagage de conteuse   une chanson colombienne de «  corazon » qu’une amie violoniste m’avait apprise, par hasard, il y a une dizaine d’années. Je ne savais pas quoi faire, alors, de ce bout de poème fredonné.

Et voilà que  soudain s'ouvre l'évidence. Les enfants  battent le rythme du cœur sur leur poitrine et  ça colle avec cette chanson là justement. Tout se tient, quelque chose passe, navigue d’un être à l’autre sans crier gare. 
De la poésie s’écoule en même temps que de la lymphe et du sang. Ça vient de nulle part et ça finit Dieu sait où. C’est dans le tempo même de nos battements, la vibration de nos voix liées. On peut la toucher,  appréhender  sa nervure comme celle d’un talisman,  aux matières tournoyantes sous les reflets du soleil. C’est notre bijou  commun,  taillé dans la chair de la vie ici présente, qui s’ébruite et disperse ses rayons à l’infini.

A la fin, ramassant mes affaires, j’ai parlé un peu du fils décédé dans ce même hôpital quelques mois plus tôt. Les mots permettent de combler l’absence. Talismans,  eux aussi : objets magiques, à mi-chemin entre l’attrapeur de rêves et le  mantra.

Le mien est là, suspendu au- dessus de ma tête,  je le rallonge de pierres et de plumes, d’écorces  odorantes et de coquillages clinquants. Quand je n’ai rien dans mes poches, je rajoute juste quelques berceuses et des bouts de mots qui chantent au vent.
«  Ojos de Dios »: les pierres me regardent.

© Hélène PHUNG « De Terre et d’Encre » (16 septembre 2015)


En mourant je rendrai
De la terre à la terre
Du vent au sommeil...
Et toutes nos senteurs envolées
Aux sources de la vie
Mais je garderai ton nom
Ne rendant au silence
Que l' écho
De ma bouche éternellement
Amoureuse

En mourant je rendrai
De la terre à la terre
Du vent au sommeil
Et toutes nos sources envolées
Au ciel de la vie...
Mais ton nom je le garderai
A tout jamais
Pour clore le silence  ( 14 septembre 2° version)


Bien sûr, je pourrais me fier à mes sens, à ce qui percute mes tympans et le fond de mes rétines, à tout ce qui chatouille les glandes et la pilosité érectile de mon organisme vibratoire...Je suis au noeud central de ce concerto d'ondes rythmiques . Cette tension, et ce pouls du monde c'est moi. Mais à présent ce n'est plus moi que je cherche. ..

(On the road.) ...13 Septembre 2015 HP



Chaque soleil levé est une victoire sur ma vision  poussiéreuse de l'aube. J'ai besoin de me laver les yeux au feu de ce qui se donne sans motif ni  nécessité aucune.. Parce que je le regarde,  le monde existe :  la beauté c'est cela et rien d'autre.

Le 12 septembre en route vers l'Espagne. H. Phung (On the road toujours. ..)


Ici cerclée de mer et d'oiseaux, à perte de mémoire, j' écris, j'ai cris, geais crient..
(Pyrénées Orientales, début septembre...)



ON THE ROAD... ( Beaucoup d'insomnies, beaucoup de route, beaucoup d'écriture, beaucoup de tout, beaucoup de rien, beaucoup d' absence...)


De Terre & d' Encre" Texte 4
Il est un chemin qui prend racine dans le corps, et va plus vite que le vent .Il s’agit de le suivre comme on danse avec un arbre sans se soucier jamais des ombres projetées ni des sèves brûlées. L’on consomme la beauté du monde jusqu’à ce qu’une vibrante lumière s’ouvre à la mitan de soi. C’est l’heure où l’âme se regarde enfin dans le bleu infini de sa propre transparence.

Je suis cette eau longuement noyée, cette danse des matières et la le...nte valse de toutes les amours sans lisières. Je suis le chemin de mon corps parcouru et la géographie perdue de mes espaces.
Mais ce qui s’accroche enfin et prend racine dans la lumière, cette avancée en terre de soi, ouverte sur la frénésie de vivre et toutes ces fièvres qui circulent, les longues couleuvres du désir oh comment ne pas avancer dans un grand bruit de forêts, toutes lianes emmêlées ?
A grandes enjambées de marécages et de lunaisons , feuillages épais d’une canopée en marche dans le sens des étoiles et des vents célestes.

Et lorsqu'au bout de la nuit, ayant emporté avec soi tout l’horizon, l'on arrive aux portes du désert dont déjà s’envolent les dunes et les mirages, comment ne pas alors céder à la tentation des ailes ?

© H PHUNG « De Terre & d’ Encre » Texte 5 (Nuit du 28 au 29 août)


De Terre & d'Encre Texte 3 / dans la nuit du 25 au 26 Août

Il est des nuits de rivière lente où l’on discute avec son ombre, la bouche parle tandis que l’œil guette la lente traversée des météorites.

Il est dans la profondeur de chaque seconde de purs joyaux de silence qu’il suffit de savoir déterrer pour qu’aussitôt jaillissent des espaces inouïs. Je crois me souvenir d’un lieu initial et si total qu’il s’est collé à ma chair à mes entrailles,  éternellement j’y suis resté, éternellement j’y suis encore.
Le matin pourtant s’éveille et l’infatigable promesse de l’aube ; allons debout, il va falloir naviguer entre ciel et terre où se déplace l’horizon,  moi immobile, me laissant porter par les fluides : ce large courant souterrain, cette rumeur sourde, ce déploiement de forces inutiles.

Je bouge avec deux secondes d’avance sur ma chair et c’est dans cet espace infime que dansent les fantômes, que je leur parle et qu’ils me répondent, m’envoyant des oiseaux, des feuilles et des rivières d’une façon si bouleversante , si totale, que ça finit par ressembler à la vie. Celle qui me porte, me draine, me perfuse de ses innombrables courants.

Me voilà rivière à la porte de moi-même ; de ce mouvement là je participe corps et âme, m’abandonnant à l’ivresse de surnager au-delà de cet au-delà que je connais encore.
Enfin s’ouvre le mystère,  enfin je ferme les yeux et commence ma nuit.

© Hélène PHUNG «  De Terre & d’ Encre » 26 août 2015


Le sang coule de source sûre dans mes veines. Il se déploie jusqu'aux ailes immenses de mon coeur. Je ne parle pas du muscle mais bien du sanctuaire de vide et de silence que j'abrite , tel un trou de ciel noir, une pépite de cosmos au sein du saint. Lieu originel.

Cette échappée du vide me remplit, ce silence des profondeurs me raconte. Dans cette absence béante de moi-même je sais trouver enfin un lieu de repos et la justification entière de mon existence.

Par ce puits... sans fond, je me retirerai, lorsque l'heure viendra de l'épuisement de mon temps.
Tout ce qui aura eu lieu, n'aura plus lieu d'être ni d'avoir jamais été.
Et pourtant j'y reconnaitrai les traces de mon sempiternel chemin.

16 Janvier 2016 " De Terre & d'encre" © Hélène PHUNG (Texte dédié à Robert Notenboom s'il en accepte l'hommage...)


Le soleil a perdu de sa saveur. Toute neige est devenue fade. J'ai vieilli non pas à l'intérieur de moi, coeur fatigué, veines épaisses, souffle court. Non pas à l'extérieur, comme semblent le montrer des rides profondes, qui m'apparentent désormais à la famille des arbres bien davantage qu'à celle des hommes, tant mes racines se dessèchent en fibres ligneuses.
Tant mes os vibrent comme autant de roches percutantes à la moindre enjambée.

J'ai vieilli bien plus loin encore qu...e ma jeunesse, que ma propre naissance. Plus loin que mes parents et que toutes les histoires qui affluent à la source pour me raconter.
J'ai vieilli au coeur même de toute substance, dans la nuit épaisse des choses, dans le silence enfoui de la matière.

Et même si je décidais enfin de freiner cela, de ne plus laisser que du vent entrer et sortir de l'outre vide de mon être, et que cela produise comme un chant d'oiseau fluet et virginal, ce sifflement inaudible des commencements, cette vibration naissante, de quelle oreille nouvelle l'entendrai-je?
© Hélène PHUNG 15 janvier 2016


L'avantage de partir c'est de s'alléger... Nous aurons tout avec nous, tout le temps, alors il s'agit de choisir l'indispensable.
Je me souviens de ce temps où Gaël et sa compagne alors âgés de 18 ans ressemblaient à de gros escargots, avec leur bazard gréffé sur le dos: linge, livres, tente. A l'intérieur la chair, les tripes, le rêve, à l'extérieur la matière. De quoi survivre dans le monde des hommes, si terrestre. Plus une ou deux chansons dans la tête, ça ne tient pas d...e place et ça peut toujours alléger lorsqu'on marche.

Il a toujours voulu le soft, l'aérien, mon saltiimbanque de fils. Aller sur un fil. Ne même pas planter la graine. Ils ont voltigé, ensemble, séparément.
Je me souviens des deux ou trois fois où la corde s'était cassée si fort qu'il m'avait fallu le consoler au bout du fil.
Un grand garçon en sanglots, ça vous fend le coeur. Alors que dire, sinon, comme lorsqu'il était enfant et qu'il tombait de la balançoire: remonte, mon fils, courage. Le ciel est au bout.

A chaque fois il est reparti, et je me souviens de tant d'éclats de voix, de rires.
Ce matin j'ai failli bifurquer vers le cimetière mais je me suis dit que c'était ridicule, vraiment.
Mon compagnon s'est occupé de tout. Je ne suis jamais retournée vers le trou sans fond où dorment les os. Toujours lorsque je songe à lui c'est le ciel qui m'attire et non la force gravide.

Voilà pourquoi il est si facile pour moi de parcourir la terre, d'aller au Népal, près de l'Himalaya.
Le ciel ne se partage jamais aussi bien qu'au bout du monde, du voyage. A l'intérieur la chair fragile, marquée, ridée, le coeur à bout de souffle. Sur le pourtour la carapace de toile et de plastique. Mais je crois bien, même si Décathlon n'a rien certifé en ce sens, que les corps éthériques débordent de la matière, transfusent à travers les polaires, les coques de protection des sacs et autres liens en bandoulières.
Que l'amour se déplace à la vitesse de la lumière. Chaque oiseau en vol tracera des signes et nos propres pas sur le sol seront autant d'écritures lisibles de loin et de toujours...

© Hélène Phung " De terre & d'encre "12 Janvier 2016

Les valises sont bouclées, ma vie à peu près: retour au point zéro. J'ai fait le tour du monde de ma propre finitude.
Mais je ne saurais dire où tout commence, donc s'achève, car le mystère demeure, infranchissable.
Aussi vaste qu'une enfance, qu'un paradis pour les oiseaux. Ce sera l'ultime étape que d' en trouver le chemin, que de s'y asseoir comme dans son propre corps et de s'en envoler...
Je rêve d'une étreinte d'air qui ouvrirait des ailes flexueuses au bord de mes o...moplates, au moment même où j'abandonnerai l'entrave de mon corps.

La femme d'os dormira de mon sommeil abandonné, de mes rêves de gisante, tandis que j'épouserai l'inaccompli.

©Hélène PHUNG " De terre & d'encre" 10 Janvier 2016

A demi endormie dans la baignoire ,je me suis soudain réveillée , secouée par le sursaut de mes jambes. Contraction spasmodique de colonne vertébrale comme lorsque quelque chose en soi résiste au moment de l'abandon.
A deux doigts de faire naufrage dans le plus voluptueux des sommeils. L'eau entre temps s'était un peu refroidie. J'ai contemplé avec un léger dégoût la mousse en décomposition, le livre ouvert, un rien dégoulinant, retourné sur le tabouret.
J'ai appelé mon ...compagnon: quel jour sommes nous?
Le même que tout à l'heure a-t-il répondu, à travers la porte, pourquoi?

Tout le reste de l'après midi est resté dans l'humidité existentielle de cette interrogation . Dehors, les pluies hivernales de cette étrange saison où les pommiers du Japon en fleurs, déracinés de leurs lieux d'origine doivent de surcroît résoudre le mystère des tropismes désaxés. Plus rien n'est simple.
Je crois que même les plantes se posent des questions.
On peut juste décider de se noyer dans l'alcool, dans sa baignoire ou dans la poésie.

J'ai opté pour un mélange détonnant de lecture amniotique, et le résultat ne s'est pas fait attendre.
Tout un pan de poésie indienne a failli couler avec moi: Ah les amours de Parvati, sous la plume sanscrite de Kalisada!
" Astyuttarasyaam dishi..."
J'aurais emmené avec moi ces mots magiques, dans la grande glissade vers l'au-delà, si j'avais bu le bouillon.
Mais non, mon cœur est bien trop sec encore, et mes yeux ont tari...

Heureusement qu'un long voyage nous attend, en Inde du Nord justement, immersion totale dans les grandes eaux divines.
Se mouiller le corps dans le Gange pour se purifier ensuite l'esprit au vent des " Himas Alaya". Ou bien l'inverse.
Peu importe.
Des fois, on devrait tout liquider et partir, comme le dit si bien mon compagnon qui lui se fout toujours de tout, même de vivre...
© Hélène PHUNG " De Terre & d' Encre" 09 Janvier 2016.

La nuit est tombée.
Il ne me reste rien, pas même l'envie d'écrire, vraiment. Je m'accroche au clavier comme à une vitre, derrière laquelle d'autres se penchent et regardent.
Et dire qu'autrefois je voyais les yeux fermés. On me glissait une pierre dans le poing et je savais instantanément la forme, la couleur.

Ca me traversait sans l'ombre d'une pensée, sans le flétrissement des mots. C'était une sensation sans âge, comme une captation directe d'un réel à fleur d'âme. All...ez raconter ça aux autres, allez donc le graver sur l'écran où se reflète une nuit pluvieuse venue de l'intérieur...
Très vite on comprend qu'il est des mystères à ne pas éventer, sous peine d'endeuiller le silence, de passer pour une illuminée. Quelle belle chose pourtant que d'être éclairée de l'intérieur. Prête à s'embraser aux ultimes atomes de vide...

Alors je ne dirai rien, je chanterai, je danserai.
Je ferai l'arbre et ses racines, je glisserai dans la peau du serpent, dans le ventre d' un songe ,afin de ne pas déranger l'ordre du monde.
Au petit matin on trouvera sur ma page comme des fragrances reptiliennes entre deux mots.
Mais vite on oubliera, car j'en suis intimement persuadée maintenant: nous sommes sur terre, uniquement pour oublier.
Quoi? Je ne sais plus.
Et c'est bien la preuve...
Hélène PHUNG © " De terre & d'Encre" 6 janvier 2016


ll pleut autour d'un corps. Tout ruisselle en cheveux de larmes et d'embruns, court vers la jetée.
En face, l'horizon mouillé, accroché aux voiles, dégoulinant d' ailes de mouettes dont les cris perfusent ma conscience.
Car je suis là, forcément. Témoin vivant de ces lentes et infinies transactions entre le gris de l'eau et les accords anthracites du ciel.
Ah! L'Alzheimer tenace du trottoir au bord duquel se balance une valise! Au rythme de mes pas, semble -t-il....
Mais... comment ne pas se rappeler ce moment présent qui me traverse? Qui d'autre oublie pour moi ce qui s'attache encore au souffle du corps, à la cadence des amours?
Une seule chose me sait et me parcourt: il n'y a rien à faire. Nul lieu où aller.
Il n'est absolument pas nécessaire que quelque chose arrive.
Cette pensée me repose des milliers de voyages entrepris, incessants aller retours de toi à moi, sans plus savoir qui était l'autre, en quel recoin de soi se perdre pour mieux se déperdre. Au fil de rien, en lentes noyades.

Mais déjà tu me rattrapes, m'accroches par le bras, tu m'écris et tu me parles, tu m'assommes de silence, me troues de soleil, alors que je n'ai rien demandé.
A force, on finit par s'arrêter, l'un dans l'autre, le temps d'un spasme.
Existe - t-il un autre lieu? me chuchotes -tu à l'oreille.
C'est bon soudain d'avoir cela: cette seconde d'écoute, des mains et des poumons, un océan d'organes avec un os d'enclume qui fait écho jusqu'au creux des reins.
Nous voguons de rivière commune, dans une langue oubliée.
Enfin tu te relèves et tu pars; je cours après cette chose en allée, je ne sais laquelle ni pourquoi vraiment.
Ni lequel des deux.

" De Terre & d' Encre" © Hélène PHUNG 2 janvier 2016

Où vas -tu ? me demande-t-on. Nulle part est ma réponse, partout...
Ce matin je cueille un surplus de moi même, une résidence à vivre en subtile cohabitation entre celle qui reste et l'autre qui marche. Loin devant. Comme si nous étions de mèche avec la vie depuis l'aube des temps. Comme s'il n'existait d'autre voyage que celui du verbe au plus lointain de nos mémoires . Je serai toujours celle qui s'arrête pour humer l'air. Une paire d'ailes rétractables dans le dos et le cache-sein en bandoulière. Je serai celle qui frôle les trottoirs avec un arrière goût de chewing -gum dans la gorge parce qu'il faut bien mâchonner quelque chose avant d'ouvrir les mots. De tuer la page.
Cet envol de pigeons, je te le dédie, si tu savais comme ça bruisse à chaque enjambée! Bientôt on tirera à vue sur les slameurs et les poètes et les enfants qui courent après les oiseaux juste pour leur faire ouvrir les rémiges en immaculant le ciel.
Dans ma besace des perles de disance, des phraséoles portés par le souffle, c'est juste magi-fique.
Et cette chanson là, des mots dévoyés, je veux que tu la prennes, qu'elle te retourne les dedans et t'invagines les oreilles jusqu'à épuisement du silence.
" De Terre & d'encre" © Hélène PHUNG 17 janvier 2016

Puisque je te parle, il faut bien que quelque part tu m 'entendes. Je te donne des nouvelles de la terre, sachant bien que celle- ci demeure au plus près de nous le seul lieu d'habitation partagé . J'y allonge encore mon corps et ses rêves . Le soleil de midi, dans sa verticalité, me tient debout .
Tandis que tu n'habites plus que l'idée de cette terre dans un coin obscur de mon cœur où s'entretient une parole silencieuse. Dans cet entre-monde, toutes les trouées de mémoire,... les chambres vides de nos espaces, quelque chose encore s'enracine outre absence .

Ah la folie de persévérer! De creuser du sens comme l'on creuse une tanière où enfoncer le sommeil!
Hier j'ai haï cet homme qui disait sur antenne que le ciel n'existe pas, que le mort est bien mort et ne revient pas, qu'il ne flotte nulle part ailleurs que dans nos mémoires elles -mêmes égarées.
Il aurait écrit tout un livre à ce propos. C'est à peine si j'ai le courage de riposter en ces quelques lignes qui déjà m'éloignent de toi.
Alors reprenons nos longs concilabules en faisant comme si les nouvelles de la terre ne sauraient déranger ce lieu dormant où encore nous partageons le peu de ciel qui nous reste .
Parole invisible en terre inaudible. Nous n'y parlons que d'amour .Le reste est silence.

©Helene Phung " De Terre & d' Encre" 5 avril 2016

Ce jour coule de source. Rien à rajouter au ciel de lucarne ,cette première chose du monde que mon regard peut attraper au réveil.
Chaque matin il faut une raison de lever son corps. Une bonne simple raison aussi limpide que la lumière du jour.Parfois un reflet suffit. Une odeur, un remuement. Quelque chose alors se déclenche à l'intérieur :comme une hormone de vie qui envahirait l'organisme, empêcherait toute vegetalisation des sens.

Certaines fois on aimerait bien colo...niser les draps, que d'imperceptibles crins issus de notre épiderme se marient à ceux du lin jusqu'à ce qu'on s'y attache comme dans un nid. Là dans cette tanière de rêves, de plumes de couette et de viscères tiedes la chrysalide installée doucement gonflerait....
Plus besoin alors d'aucun prétexte à vivre. La nature suivrait son cours, le songe ses méandres intérieurs et l'on se réveillerait femme ou caméléon, cistude ou fauvette accomplie.
Mais quelque empêchement toujours finit par se produire, grain de sable au milieu du mécanisme des profondeurs.
Alors l'on se réveille étranger a soi même.Toute la journée accroché à son propre corps , pur rejet d'une greffe dont on n'a même plus souvenir.

© Hélène Phung 4 avril 2016 "De terre & d'encre"


Dans la nuit encore les oiseaux chantent à tue -tête. Je crois que c'est pour le réveiller, pour qu'il déserte la mort, secoue la terre et pénètre leurs gosiers. Qu'il habite leur plumage et se fonde dans les couleurs du ciel qui peu à peu captent le sel de nos lentes, nos interminables blancheurs.
Vus de là-haut, nous surplombant, comme il doit le faire; nous ressemblons probablement à des squelettes couchés à l'intérieur de nos corps étriqués. Mais l'horizon se lève,... délivrant le jour, habillant notre desir de vivre d'une foudroyante verticalité. Oui, nous voilà debout au bord de sa tombe, en ce jour de mars . Nous l'avons accompagné jusqu'ici afin qu' il accomplisse notre dernier sommeil. Celui que nous repoussons avec force vers les limites du monde visible.
Les fleurs ont été bues jusqu'à la lice, la beauté mangée de l'intérieur .Il nous reste une nuée de mots à épuiser avant de nous taire à tout jamais. Son silence déjà nous aspire. Bientot, nous lui rendrons notre premier souffle.

Hélène Phung 26 mars 2016 "De terre & d' encre"

Un soir, tu te retrouves seule au bord du chemin. La nuit prend des couleurs d'encre. Rien ne semble t'attendre.
Alors tu t'assieds sur l'herbe, puis tu te mets en boule, la laine d'un pull angora tout autour de ton corps replié, pour imiter les chatons des noisetiers qui pendent au-dessus de ta tête.
Puis tu allonges les jambes, tu fais la feuille: celle qui, à peine froissée, encore endormie du lait de la nuit, tombe sans fin de l'arbre. Tu t'essaies à des formes , juste ...pour échapper à ta matière, innover des circuits insoupçonnés qui te reliraient différemment à ton propre souffle.

Comme tu voudrais te fondre, gesticuler dans la danse des truites en contre bas, où glisse une rivière balayant les fourches fluides des saules!
Partout s'échappent des flots de vie,ruissellements de silence retournant à la source.
Maintenant, une nuit d'ébène perce tes tympans, rien n'affleure de cette longue coulée, que tu n'arrives à juguler.
Au fond du trou qui te garde en survie, tu te fais écailles, vive zébrure, puis, t'allongeant jusqu'au ciel , tu te poursuis sans fin, te prolonges, encercles l'horizon.

Enfin arrive la bouche de l'amant, qui mouille tes contours, aspire, gourmande, la boucle vibrante de tes essais frénétiques de commencement du monde.

© Hélène PHUNG " De Terre & d'Encre" 25 Mars 2016

Ce jour coule de source. Rien à rajouter au ciel de lucarne ,cette première chose du monde que mon regard peut attraper au réveil.
Chaque matin il faut une raison de lever son corps. Une bonne simple raison aussi limpide que la lumière du jour.Parfois un reflet suffit. Une odeur, un remuement. Quelque chose alors se déclenche à l'intérieur :comme une hormone de vie qui envahirait l'organisme, empêcherait toute vegetalisation des sens.

Certaines fois on aimerait bien colo...niser les draps, que d'imperceptibles crins issus de notre épiderme se marient à ceux du lin jusqu'à ce qu'on s'y attache comme dans un nid. Là dans cette tanière de rêves, de plumes de couette et de viscères tiedes la chrysalide installée doucement gonflerait....
Plus besoin alors d'aucun prétexte à vivre. La nature suivrait son cours, le songe ses méandres intérieurs et l'on se réveillerait femme ou caméléon, cistude ou fauvette accomplie.
Mais quelque empêchement toujours finit par se produire, grain de sable au milieu du mécanisme des profondeurs.
Alors l'on se réveille étranger a soi même.Toute la journée accroché à son propre corps , pur rejet d'une greffe dont on n'a même plus souvenir.

© Hélène Phung 4 avril 2016 "De terre & d'encre"

Dans la nuit encore les oiseaux chantent à tue -tête. Je crois que c'est pour le réveiller, pour qu'il déserte la mort, secoue la terre et pénètre leurs gosiers. Qu'il habite leur plumage et se fonde dans les couleurs du ciel qui peu à peu captent le sel de nos lentes, nos interminables blancheurs.
Vus de là-haut, nous surplombant, comme il doit le faire; nous ressemblons probablement à des squelettes couchés à l'intérieur de nos corps étriqués. Mais l'horizon se lève,... délivrant le jour, habillant notre desir de vivre d'une foudroyante verticalité. Oui, nous voilà debout au bord de sa tombe, en ce jour de mars . Nous l'avons accompagné jusqu'ici afin qu' il accomplisse notre dernier sommeil. Celui que nous repoussons avec force vers les limites du monde visible.
Les fleurs ont été bues jusqu'à la lice, la beauté mangée de l'intérieur .Il nous reste une nuée de mots à épuiser avant de nous taire à tout jamais. Son silence déjà nous aspire. Bientot, nous lui rendrons notre premier souffle.

Hélène Phung 26 mars 2016 "De terre & d' encre

Un soir, tu te retrouves seule au bord du chemin. La nuit prend des couleurs d'encre. Rien ne semble t'attendre.
Alors tu t'assieds sur l'herbe, puis tu te mets en boule, la laine d'un pull angora tout autour de ton corps replié, pour imiter les chatons des noisetiers qui pendent au-dessus de ta tête.
Puis tu allonges les jambes, tu fais la feuille: celle qui, à peine froissée, encore endormie du lait de la nuit, tombe sans fin de l'arbre. Tu t'essaies à des formes , juste ...pour échapper à ta matière, innover des circuits insoupçonnés qui te reliraient différemment à ton propre souffle.

Comme tu voudrais te fondre, gesticuler dans la danse des truites en contre bas, où glisse une rivière balayant les fourches fluides des saules!
Partout s'échappent des flots de vie,ruissellements de silence retournant à la source.
Maintenant, une nuit d'ébène perce tes tympans, rien n'affleure de cette longue coulée, que tu n'arrives à juguler.
Au fond du trou qui te garde en survie, tu te fais écailles, vive zébrure, puis, t'allongeant jusqu'au ciel , tu te poursuis sans fin, te prolonges, encercles l'horizon.

Enfin arrive la bouche de l'amant, qui mouille tes contours, aspire, gourmande, la boucle vibrante de tes essais frénétiques de commencement du monde.

© Hélène PHUNG " De Terre & d'Encre" 25 Mars 2016

Il pleut dans nos corps, normal c'est la Saint Valentin: tout le monde en parle, qui la pratique?
Nous sommes de vieilles choses que le désir toujours allume, il suffit d'un geste, d'une humeur pour qu'aussitôt Eve descende en moi, inventant mille esquisses serpentines pour mieux te séduire à l'angle de ta vie, au bord de ton ventricule gauche, il reste toujours une place à combler un seuil à depasser.

Voilà que le plus profond de nous se met à chanter ,que la chanson se ...souvient d'elle -même débordant de nos lèvres, s'appropriant tous les espaces de vie et de mort. C'est un terrible entredeux de toi à moi, d'un vent à l'autre de nos tramontanes indomptées.

Comme nous sommes hideux, lorsque nous nous dépassons, nous rouons d'amour à coups de langue et de soupirs à un quart de ciel de notre extase, tandis que les rivières se nouent, fusionnent et retombent en un mince filet d'un souffle printanier inédit!

Alors seulement s'ouvre la première fleur d'un si long péché...

© Hélène Phung " De Terre & d' Encre " 15 Février 2016 Nattages

Où vas -tu ? me demande-t-on. "Nulle part" est ma réponse, partout...
Ce matin je cueille un surplus de moi même, une résidence à vivre en subtile cohabitation entre celle qui reste et l'autre qui marche. Loin devant. Comme si nous étions de mèche avec la vie depuis l'aube des temps. Comme s'il n'existait d'autre voyage que celui du verbe au plus lointain de nos mémoires . Je serai toujours celle qui s'arrête pour humer l'air. Une paire d'ailes rétractables dans le dos et le ...cache-sein en bandoulière. Je serai celle qui frôle les trottoirs avec un arrière goût de chewing -gum dans la gorge parce qu'il faut bien mâchonner quelque chose avant d'ouvrir les mots. De tuer la page.
Cet envol de pigeons, je te le dédie, si tu savais comme ça bruisse à chaque enjambée! Bientôt on tirera à vue sur les slameurs et les poètes et les enfants qui courent après les oiseaux juste pour leur faire ouvrir les rémiges en immaculant le ciel.
Dans ma besace se bousculent des perles de disance, des phraséoles portées par le souffle, c'est juste magi-fique.
Et cette chanson là, des mots dévoyés, je veux que tu la prennes, qu'elle te retourne les dedans et t'invagines les oreilles jusqu'à épuisement du silence.
" De Terre & d'encre" © Hélène PHUNG 17 janvier 2016

D'abord l'ombre, le vent des ailes, puis l'envol juste au dessus des têtes. Ou bien c'est pure calligraphie tracée au ciel sans le moindre signe avant coureur.... Il fait bon errer au coeur de la roselière entre terre et ciel dans les couleurs d'un automne qui n'en finit pas de garder encore ses oiseaux.
Je marche en silence buvant le lait du paysage. J'absorbe novembre en prières tandis que les chemins se déroulent sous mes pas; lente lenteur des jours inutiles

Facile poésie. Le vrai courage serait de pouvoir se passer de métaphore. Je parle de la vie plus encore que d'écriture.

Hélène Phung Stes Maries de la Mer 13 Nov.2015"

Le sang coule de source sûre dans mes veines. Il se déploie jusqu'aux ailes immenses de mon coeur. Je ne parle pas du muscle mais bien du sanctuaire de vide et de silence que j'abrite , tel un trou de ciel noir, une pépite de cosmos au sein du saint. Lieu originel.

Cette échappée du vide me remplit, ce silence des profondeurs me raconte. Dans cette absence béante de moi-même je sais trouver enfin un lieu de repos et la justification entière de mon existence.

Par ce puits... sans fond, je me retirerai, lorsque l'heure viendra de l'épuisement de mon temps.
Tout ce qui aura eu lieu, n'aura plus lieu d'être ni d'avoir jamais été.
Et pourtant j'y reconnaitrai les traces de mon sempiternel chemin.

16 Janvier 2016 " De Terre & d'encre" © Hélène PHUNG

Le soleil a perdu de sa saveur. Toute neige est devenue fade. J'ai vieilli non pas à l'intérieur de moi, coeur fatigué, veines épaisses, souffle court. Non pas à l'extérieur, comme semblent le montrer des rides profondes, qui m'apparentent désormais à la famille des arbres bien davantage qu'à celle des hommes, tant mes racines se dessèchent en fibres ligneuses.
Tant mes os vibrent comme autant de roches percutantes à la moindre enjambée.

J'ai vieilli bien plus loin encore qu...e ma jeunesse, que ma propre naissance. Plus loin que mes parents et que toutes les histoires qui affluent à la source pour me raconter.
J'ai vieilli au coeur même de toute substance, dans la nuit épaisse des choses, dans le silence enfoui de la matière.

Et même si je décidais enfin de freiner cela, de ne plus laisser que du vent entrer et sortir de l'outre vide de mon être, et que cela produise comme un chant d'oiseau fluet et virginal, ce sifflement inaudible des commencements, cette vibration naissante, de quelle oreille nouvelle l'entendrai-je?
© Hélène PHUNG 15 janvier 2016

L'avantage de partir c'est de s'alléger... Nous aurons tout avec nous, tout le temps, alors il s'agit de choisir l'indispensable.
Je me souviens de ce temps où Gaël et sa compagne alors âgés de 18 ans ressemblaient à de gros escargots, avec leur bazard gréffé sur le dos: linge, livres, tente. A l'intérieur la chair, les tripes, le rêve, à l'extérieur la matière. De quoi survivre dans le monde des hommes, si terrestre. Plus une ou deux chansons dans la tête, ça ne tient pas de place et ça peut toujours alléger lorsqu'on marche.

Il a toujours voulu le soft, l'aérien, mon saltiimbanque de fils. Aller sur un fil. Ne même pas planter la graine. Ils ont voltigé, ensemble, séparément.
Je me souviens des deux ou trois fois où la corde s'était cassée si fort qu'il m'avait fallu le consoler au bout du fil.
Un grand garçon en sanglots, ça vous fend le coeur. Alors que dire, sinon, comme lorsqu'il était enfant et qu'il tombait de la balançoire: remonte, mon fils, courage. Le ciel est au bout.

A chaque fois il est reparti, et je me souviens de tant d'éclats de voix, de rires.
Ce matin j'ai failli bifurquer vers le cimetière mais je me suis dit que c'était ridicule, vraiment.
Mon compagnon s'est occupé de tout. Je ne suis jamais retournée vers le trou sans fond où dorment les os. Toujours lorsque je songe à lui c'est le ciel qui m'attire et non la force gravide.

Voilà pourquoi il est si facile pour moi de parcourir la terre, d'aller au Népal, près de l'Himalaya.
Le ciel ne se partage jamais aussi bien qu'au bout du monde, du voyage. A l'intérieur la chair fragile, marquée, ridée, le coeur à bout de souffle. Sur le pourtour la carapace de toile et de plastique. Mais je crois bien, même si Décathlon n'a rien certifé en ce sens, que les corps éthériques débordent de la matière, transfusent à travers les polaires, les coques de protection des sacs et autres liens en bandoulières.
Que l'amour se déplace à la vitesse de la lumière. Chaque oiseau en vol tracera des signes et nos propres pas sur le sol seront autant d'écritures lisibles de loin et de toujours...

© Hélène Phung " De terre & d'encre "12 Janvier 2016

 

Je ne sais le chemin de la terre.

De Ba Be à Nagarkot, en passant par Poya où j'irai bientôt: les routes parcourues et celles qu'il reste à étrenner. Les longues traversées en solitaire de ma mémoire. Je me souviens que j'avais oublié. Durablement. Il parait que tout reste quelque part, c'est juste que l'on n'y a plus accès.

L'amnésie est un refus d'accéder, un besoin de rester sur le seuil, toujours.

...

En ce lieu improbable, la voix acidulée du chanteur qui berça notre jeunesse n'a pas pris une ride, elle tourne en boucle jusqu'à non épuisement. C'est quelque chose de très proche de l'éternité comme un rythme interne, totalement intégré, qui donne le tempo au vieillissement cellulaire de nos dedans.

Car dehors ne bouge pas. Rien ne se déroule.

Un ruban de séquences- temps qui se perdrait dans le fossé immense du passé, et qui, depuis un lointain horizon, se déviderait jusqu'à nous, ce schéma là, tous les physiciens nous le disent: il faut le gommer une fois pour toutes de nos consciences. Pure illusion de nos constructions mentales.

Rien ne s'échappe ni ne s'écoule.

La métamorphose est juste inhérente à notre chair. Nous sommes faits de nécrose, nous sommes la chose vivante. Rien ne se déploie que ce glissement souterrain dont nous sommes constitués. Tout s'opère toujours à notre insu ,même les floraisons les plus délicates du printemps de notre vie.

Je fus cerisier, ô mon amour!

Combien de vents ont secoué mes branches et froissé des fleurs aux pétales tombés! Rien ne reste de la musique de ce souffle, ni du désordre grisant des parfums. De la douce violence de vivre, je porte les odorants stigmates, et garde le goût de cette respiration à jamais inutile: la beauté.

© Hélène PHUNG " De Terre & d'Encre" 1 Mai 2016


Dans la nuit encore les oiseaux chantent à tue -tête. Je crois que c'est pour le réveiller, pour qu'il déserte la mort, secoue la terre et pénètre leurs gosiers. Qu'il habite leur plumage et se fonde dans les couleurs du ciel qui peu à peu captent le sel de nos lentes, nos interminables blancheurs.
Vus de là-haut, nous surplombant, comme il doit le faire; nous ressemblons probablement à des s...quelettes couchés à l'intérieur de nos corps étriqués. Mais l'horizon se lève, délivrant le jour, habillant notre desir de vivre d'une foudroyante verticalité. Oui, nous voilà debout au bord de sa tombe, en ce jour de mars . Nous l'avons accompagné jusqu'ici afin qu' il accomplisse notre dernier sommeil. Celui que nous repoussons avec force vers les limites du monde visible.
Les fleurs ont été bues jusqu'à la lice, la beauté mangée de l'intérieur .Il nous reste une nuée de mots à épuiser avant de nous taire à tout jamais. Son silence déjà nous aspire. Bientot, nous lui rendrons notre premier souffle.

Hélène Phung 26 mars 2016 "De terre & d' encre"

 

Un soir, tu te retrouves seule au bord du chemin. La nuit prend des couleurs d'encre. Rien ne semble t'attendre.
Alors tu t'assieds sur l'herbe, puis tu te mets en boule, la laine d'un pull angora tout autour de ton corps replié, pour imiter les chatons des noisetiers qui pendent au-dessus de ta tête.
Puis tu allonges les jambes, tu fais la feuille: celle qui, à peine froissée, encore endormie d...u lait de la nuit, tombe sans fin de l'arbre. Tu t'essaies à des formes , juste pour échapper à ta matière, innover des circuits insoupçonnés qui te reliraient différemment à ton propre souffle.

Comme tu voudrais te fondre, gesticuler dans la danse des truites en contre bas, où glisse une rivière balayant les fourches fluides des saules!
Partout s'échappent des flots de vie, ruissellements de silence retournant à la source.
Maintenant, une nuit d'ébène perce tes tympans, rien n'affleure de cette longue coulée, que tu n'arrives à juguler.
Au fond du trou qui te garde en survie, tu te fais écailles, vive zébrure, puis, t'allongeant jusqu'au ciel , tu te poursuis sans fin, te prolonges, encercles l'horizon.

Enfin arrive la bouche de l'amant, qui mouille tes contours, aspire, gourmande, la boucle vibrante de tes essais frénétiques de commencement du monde.

© Hélène PHUNG " De Terre & d'Encre" 25 Mars 2016

 


Elle a un an aujourd'hui, je ne lui tricote plus de layette car ses plumes ont poussé. D'ailleurs, depuis que ce petit moineau a des dents, il ne tète plus. J'attends sans attendre, car la bise nous pousse plus vite que le temps.
Les pommiers du Japon, en boutons déja avant notre départ au Népal, commencent tout juste à fleurir vraiment. Le cerisier qu'on devait planter en mémoire de Gaël, est resté une simple idée de sakura dans notre coeur, et c'est là sans doute qu'il prend le mieux racine.
Quelque chose est resté en suspens, comme si les graines de vent avaient poussé autre chose que du réel. Dans quelques années, le temps, qui n'existe pas, existera encore moins, car je serai de l'autre côté de la mémoire. Mais qu'est-ce qui nous pousse alors? me demandes -tu.
Interroge Luce, ou plutôt non: elle a déjà en partie oublié, je suppose. Demande à la petite, celle qui vient juste de lâcher, en même temps que le sein, ce lieu où nous irons bientôt.
Tout s'effrite lentement, rien ne reste que le souffle qui porte nos ailes, depuis la nuit de ce qu'on appelle le temps.
Mais ça, elle ne saura pas te le dire, alors elle sourira. Et ce silence perforera ton coeur.
© Hélène PHUNG 17 Mars 2016

 

Sur terre, c'est le printemps.La neige n'a jamais été aussi blanche ni l'herbe aussi verte; je ne sais quelle saison n'a plus cours chez toi mais ici ça se bouscule à fleur de vent.
Les poissons koïs remontent à la surface du bassin le ventre gonflé d'eau hivernale à moins que ce ne soit de graines ou d' alevins. Ma tête bourdonne de mots utiles tandis que d'autres ayant pourtant la beauté d'un g...rand trouble se noient à la surface du temps. Je cherche mais au bout d'un moment j'oublie même cela: le motif profond de ma quête , avec qui je discute dans le vent.
Ne reste qu'un éclat de bourgeon juste à la fine pointe d'une branche au dessus de l'eau. Le verbe croître tout entier contenu dans l'énergie d'une seule poussée diffuse, latente, éternelle. De ce mouvement qui nous pousse violemment vers ce qui depuis toujours commence.
@Hélène Phung Lapeyrouse Mornay 20 Février 2016

 


Il pleut dans nos corps, normal c'est la Saint Valentin: tout le monde en parle, qui la pratique?
Nous sommes de vieilles choses que le désir toujours allume, il suffit d'un geste, d'une humeur pour qu'aussitôt Eve descende en moi, inventant mille esquisses serpentines pour mieux te séduire à l'angle de ta vie, au bord de ton ventricule gauche, il reste toujours une place à combler un seuil à ...depasser.

Voilà que le plus profond de nous se met à chanter ,que la chanson se souvient d'elle -même débordant de nos lèvres, s'appropriant tous les espaces de vie et de mort. C'est un terrible entredeux de toi à moi, d'un vent à l'autre de nos tramontanes indomptées.

Comme nous sommes hideux, lorsque nous nous dépassons, nous rouons d'amour à coups de langue et de soupirs à un quart de ciel de notre extase, tandis que les rivières se nouent, fusionnent et retombent en un mince filet d'un souffle printanier inédit!

Alors seulement s'ouvre la première fleur d'un si long péché...

© Hélène Phung " De Terre & d' Encre " 15 Février 2016 Nattages
Où vas -tu ? me demande-t-on. "Nulle part" est ma réponse, partout...
Ce matin je cueille un surplus de moi même, une résidence à vivre en subtile cohabitation entre celle qui reste et l'autre qui marche. Loin devant. Comme si nous étions de mèche avec la vie depuis l'aube des temps. Comme s'il n'existait d'autre voyage que celui du verbe au plus lointain de nos mémoires . Je serai toujours celle ...qui s'arrête pour humer l'air. Une paire d'ailes rétractables dans le dos et le cache-sein en bandoulière. Je serai celle qui frôle les trottoirs avec un arrière goût de chewing -gum dans la gorge parce qu'il faut bien mâchonner quelque chose avant d'ouvrir les mots. De tuer la page.
Cet envol de pigeons, je te le dédie, si tu savais comme ça bruisse à chaque enjambée! Bientôt on tirera à vue sur les slameurs et les poètes et les enfants qui courent après les oiseaux juste pour leur faire ouvrir les rémiges en immaculant le ciel.
Dans ma besace se bousculent des perles de disance, des phraséoles portées par le souffle, c'est juste magi-fique.
Et cette chanson là, des mots dévoyés, je veux que tu la prennes, qu'elle te retourne les dedans et t'invagines les oreilles jusqu'à épuisement du silence.
" De Terre & d'encre" © Hélène PHUNG 17 janvier 2016

 

Le sang coule de source sûre dans mes veines. Il se déploie jusqu'aux ailes immenses de mon coeur. Je ne parle pas du muscle mais bien du sanctuaire de vide et de silence que j'abrite , tel un trou de ciel noir, une pépite de cosmos au sein du saint. Lieu originel.

Cette échappée du vide me remplit, ce silence des profondeurs me raconte. Dans cette absence béante de moi-même je sais trouver enf...in un lieu de repos et la justification entière de mon existence.

Par ce puits sans fond, je me retirerai, lorsque l'heure viendra de l'épuisement de mon temps.
Tout ce qui aura eu lieu, n'aura plus lieu d'être ni d'avoir jamais été.
Et pourtant j'y reconnaitrai les traces de mon sempiternel chemin.

16 Janvier 2016 " De Terre & d'encre" © Hélène PHUNG
Les valises sont bouclées, ma vie à peu près: retour au point zéro. J'ai fait le tour du monde de ma propre finitude.
Mais je ne saurais dire où tout commence, donc s'achève, car le mystère demeure, infranchissable.
Aussi vaste qu'une enfance, qu'un paradis pour les oiseaux. Ce sera l'ultime étape que d' en trouver le chemin, que de s'y asseoir comme dans son propre corps et de s'en envoler...
Je rêve d'une étreinte d'air qui ouvrirait des ailes flexueuses au bord de mes omoplates, au moment même où j'abandonnerai l'entrave de mon corps.

La femme d'os dormira de mon sommeil abandonné, de mes rêves de gisante, tandis que j'épouserai l'inaccompli.

©Hélène PHUNG " De terre & d'encre" 10 Janvier 2016

 

La nuit est tombée.
Il ne me reste rien, pas même l'envie d'écrire, vraiment. Je m'accroche au clavier comme à une vitre, derrière laquelle d'autres se penchent et regardent.
Et dire qu'autrefois je voyais les yeux fermés. On me glissait une pierre dans le poing et je savais instantanément la forme, la couleur.

Ca me traversait sans l'ombre d'une pensée, sans le flétrissement des mots. C'était u...ne sensation sans âge, comme une captation directe d'un réel à fleur d'âme. Allez raconter ça aux autres, allez donc le graver sur l'écran où se reflète une nuit pluvieuse venue de l'intérieur...
Très vite on comprend qu'il est des mystères à ne pas éventer, sous peine d'endeuiller le silence, de passer pour une illuminée. Quelle belle chose pourtant que d'être éclairée de l'intérieur. Prête à s'embraser aux ultimes atomes de vide...

Alors je ne dirai rien, je chanterai, je danserai.
Je ferai l'arbre et ses racines, je glisserai dans la peau du serpent, dans le ventre d' un songe ,afin de ne pas déranger l'ordre du monde.
Au petit matin on trouvera sur ma page comme des fragrances reptiliennes entre deux mots.
Mais vite on oubliera, car j'en suis intimement persuadée maintenant: nous sommes sur terre, uniquement pour oublier.
Quoi? Je ne sais plus.
Et c'est bien la preuve...
Hélène PHUNG © " De terre & d'Encre" 6 janvier 2016

 

ll pleut autour d'un corps. Tout ruisselle en cheveux de larmes et d'embruns, court vers la jetée.
En face, l'horizon mouillé, accroché aux voiles, dégoulinant d' ailes de mouettes dont les cris perfusent ma conscience.
Car je suis là, forcément. Témoin vivant de ces lentes et infinies transactions entre le gris de l'eau et les accords anthracites du ciel.
Ah! L'Alzheimer tenace du trottoir au... bord duquel se balance une valise! Au rythme de mes pas, semble -t-il....
Mais comment ne pas se rappeler ce moment présent qui me traverse? Qui d'autre oublie pour moi ce qui s'attache encore au souffle du corps, à la cadence des amours?
Une seule chose me sait et me parcourt: il n'y a rien à faire. Nul lieu où aller.
Il n'est absolument pas nécessaire que quelque chose arrive.
Cette pensée me repose des milliers de voyages entrepris, incessants aller retours de toi à moi, sans plus savoir qui était l'autre, en quel recoin de soi se perdre pour mieux se déperdre. Au fil de rien, en lentes noyades.

Mais déjà tu me rattrapes, m'accroches par le bras, tu m'écris et tu me parles, tu m'assommes de silence, me troues de soleil, alors que je n'ai rien demandé.
A force, on finit par s'arrêter, l'un dans l'autre, le temps d'un spasme.
Existe - t-il un autre lieu? me chuchotes -tu à l'oreille.
C'est bon soudain d'avoir cela: cette seconde d'écoute, des mains et des poumons, un océan d'organes avec un os d'enclume qui fait écho jusqu'au creux des reins.
Nous voguons de rivière commune, dans une langue oubliée.
Enfin tu te relèves et tu pars; je cours après cette chose en allée, je ne sais laquelle ni pourquoi vraiment.
Ni lequel des deux.

" De Terre & d' Encre" © Hélène PHUNG 2 janvier 2016
Le vent souffle sur nos gercures. Nous voilà enfants, plusieurs fois. Aujourd'hui a des senteurs de neige et d'orange, même si pas un grain de froid ni d'agrume n'est tombé sur cette douleur ancienne des matins d'avant le monde.
Comme nous étions vides devant les sapins, la joie nous avait désertés!
Et pourtant la vie ruisselait de lumière. Nos coeurs aussi vastes que des crèches abritaient des c...erfs aux bois printaniers, des louves pleines et des milliers de lunes en hibernation...
Nos corps hurlaient d'amour, et l'hiver aurait du tout nous prendre, jusqu'au dernier battement d'ailes.
Mais nous n'avons pas su pousser le cri.
Alors le silence a fleuri dans nos gorges, et nous sommes restés cloués dans l'enfance des mots.
Le blanc vertige d'un noël qui n'eut pas lieu.

© Hélène PHUNG 24 décembre 2015
Lorsque j'étais enfant, la blancheur m'épouvantait, me donnait la nausée au-delà du froid et de la sensation de glace intérieure.
Ce matin je découvre un linceul s' etendant à perte de vue sur les champs. C'est une poudre tombée du ciel qui m'aveugle comme autrefois: je pressens d'infimes particules radio actives, j'espère me tromper.
La folie meurtrière de ces jours ci me rend parano: les lieux e...t les dates se mélangent. Je revois ce séjour dans la Drôme, en 1986, dans la maison de mon enfance, avec mon fils , nous avions pris l'air ( et quelques radiations peut -être qui sait...)
J'ai éprouvé cette impression de neige si forte dans mon coeur, une semaine avant son départ et il a neigé tellement pour de bon le jour de son entrerrement.
Au dernier moment, j'ai gardé l'une des roses que je devais jeter sur sa tombe, la seule qui était artificielle, je ne sais pas ce qui m'a pris. Elle était d'un mauve profond, couleur de mysticisme. Je l'ai mise dans un vase de ma chambre et chaque jour je la vois s'éclaircir, elle arbore maintenant des tons rose clair, je me dis qu'elle blanchit à vue d'oeil, et je me persuade que c'est à cause de son exposition à la lumière.
Mais il se peut aussi que mon fils soit mort, à très longue échéance, de Tchernobyl, ou bien des stigmates de ce siècle . Il faut bien mourir de quelque chose; chaque maladie est à décrypter comme un long message de l'âme, non une simple défaillance du corps.
Voilà ce que j'essaie d'extraire de la blancheur inouïe des pages, tandis que les médias tournent en boucle les images de l'horreur, couvrant de mots la fureur du monde.
Ce matin il neige.
Chaque flocon tombé est comme une âme convertie à la lumière, qui, touchant le sol, explose le silence.
© Hélène Phung 22 novembre 2015. Première neige à Nattages.
Je ne t'ai pas apporté de fleurs
car je crois
que d'où tu regardes
les plantes de la terre
ne dansent d'aucune couleur
que d'où tu trembles
tous les pistils entremêlés ...
ne t'apportent qu'une senteur
oubliée

Je sais juste
la graine profonde
qui en toi fut plantée
un jour d'amour terrestre
et qui ne saurait cesser de grandir
au point qu'aujourd'hui encore
quelque chose vibre de toi
à l'entour de toute fleur
monte au ciel
comme un parfum
et cela n'a pas de nom
pas même le tien
car le monde s'étant absout de toi
tout ce qu'il me rend aujourd'hui
te respire

© HPhung 2 Novembre 2015 " L'inaudible"
Ca y est, la date est fixée.
Un envol mercredi depuis une montagne au-dessus du lac d' Annecy. Je vais me jeter, accompagnée...

Habillez vous bien m'a conseillé au téléphone mon Icare, ( que je ne connais pas, que je ne rencontrerai qu'au dernier moment) il fera froid dans les airs.
C'est un cadeau de noël que m'avait concocté l'an dernier mon compagnon: un rêve, une griserie pour tenir l'hi...ver jusqu'au printemps.

L'idée était douce: remonter le temps, s'envoler vers l'Asie de mi-janvier à février, patienter en mars pour enfin réveiller le lent engourdissement du corps dans l'ivresse des cimes, au moment de la grande migration de mes consœurs ailées, par un vol en delta plane.

Hélas, ce n'est pas moi, mais mon fils qui s'est envolé. L'avion a déployé ses ailes, je suis restée clouée au sol, dans un froid qui n'en finissait pas, un temps mort.
Un silence si terrestre.

Cela fera 9 mois bientôt. On ne peut à ce terme parler de délivrance. Mais le fait est que j'ai répondu à l'appel du vent. Que je frissonne de nouveau librement à l'idée de frissonner.
Que je peux de nouveau remonter les sources jusqu'aux rives asiatiques, où ont commencé mon histoire et celle de l'enfant que j'ai plus tard porté, sans me douter qu'il finirait sa course avant moi, me laissant boucler dans son absence l'incroyable voyage.

En janvier ou en février prochain nous irons, mon compagnon ( lui que l'âge a tant allégé, qui n'est pas si vieux que ça mais qui se comporte comme si hier était déjà demain), ce vieux sage donc et moi irons dans l' Inde du Nord et le Népal marcher, avec le souffle qui nous reste, plus haut , bien plus haut que nous ne le pourrons.

© Hélène PHUNG " De Terre & d' Encre" 28 Septembre 2015

 

A force de remonter
les nervures de feuilles
jusqu'aux racines de l'arbre
les vagues de l'océan
jusqu'aux rivières souterraines
les truites péchées à mains nues
jusqu'au frai des sources...

à force de frayer
dans le courant des nuits
jusqu'à la gemme de l'aube
dans le flux du silence
jusqu'au vacarme étourdissant
de plus de silence encore

à force de nager
à contre -courant de l'absence
jusqu'à dissolution de soi

peut-être atteindrai-je
le temps cosmique?

© Hélène Phung " De terre & d'encre" 26 Septembre 2015
Elle est devenue
le chemin étroit qui mène
jusqu'au bord du monde
parfois je sors pieds nus
délaissant la chaude présence
de ton corps calice des draps
pour épouser l'infinie profondeur...
de ses gestes sombres
sa noirceur sans limite

dans sa rondeur épanouie
j'érode mes os saillants
à la source de ses lèvres humides
je baigne la sècheresse aigüe
de mes veines
moi si pareille à la feuille morte
en son sein je prolonge
mes automnes je m'étends
jusqu'aux hivers cachés
dont elle garde l'obscur secret

indéfiniment je me prolonge
touchant à l'illimité
mes pieds glissent jusqu'à l'aube
tandis que mon regard bascule
vers la voie lactée
fourmillante de lumières

nous sommes l' être
de ce moment là issu de rien
où nous revenons sans fin
nous sommes ce que déjà je ne suis plus
moi lourde de ma mort contenue
elle nous prend
et nous berce toutes deux
nous remplissant de son vide épais
encre sidérale silence chanté


retournant en son sein
(lente berceuse des sphères
matrice hors du temps )
comme en celui d'une mère lointaine
je me couche dans son néant :
la nuit.

© Hélène Phung (" Pour bercer le néant" )
21 Septembre 2015 Texte & Photographie droits réservés.
L’été dernier , j’ai tressé, avec un chaman uruguayen un talisman « ojos de Dios » auquel je rajoute depuis plumes et pierres au fur et à mesure qu’il s’en trouve sur mon chemin. C’est un axe comme un autre, celui-ci a le mérite de flotter léger à hauteur de mes yeux m’offrant ses couleurs étincelantes. A mes oreilles le doux cliquetis quand il s’agite au moindre vent, à mes doigts la douceur de s...es cotons et duvets mêlés, à mes narines l’odeur des laines vierges…

Cette après- midi j’ai conté devant des enfants cancéreux ou très atteints (de je ne sais quoi, je n’ai pas osé le demander) appareillés, en fauteuil, ayant du mal parfois à respirer. Un seul axe entre eux et moi : le papier que je pliais pour raconter des histoires de roses ou d’oiseaux, de cœur qui bat… L’énergie de la voix aussi. Il se trouve que j’ai dans mon bagage de conteuse une chanson colombienne de « corazon » qu’une amie violoniste m’avait apprise, par hasard, il y a une dizaine d’années. Je ne savais pas quoi faire, alors, de ce bout de poème fredonné.

Et voilà que soudain s'ouvre l'évidence. Les enfants battent le rythme du cœur sur leur poitrine et ça colle avec cette chanson là justement. Tout se tient, quelque chose passe, navigue d’un être à l’autre sans crier gare.
De la poésie s’écoule en même temps que de la lymphe et du sang. Ça vient de nulle part et ça finit Dieu sait où. C’est dans le tempo même de nos battements, la vibration de nos voix liées. On peut la toucher, appréhender sa nervure comme celle d’un talisman, aux matières tournoyantes sous les reflets du soleil. C’est notre bijou commun, taillé dans la chair de la vie ici présente, qui s’ébruite et disperse ses rayons à l’infini.

A la fin, ramassant mes affaires, j’ai parlé un peu du fils décédé dans ce même hôpital quelques mois plus tôt. Les mots permettent de combler l’absence. Talismans, eux aussi : objets magiques, à mi-chemin entre l’attrapeur de rêves et le mantra.

Le mien est là, suspendu au- dessus de ma tête, je le rallonge de pierres et de plumes, d’écorces odorantes et de coquillages clinquants. Quand je n’ai rien dans mes poches, je rajoute juste quelques berceuses et des bouts de mots qui chantent au vent.
« Ojos de Dios »: les pierres me regardent.

© Hélène PHUNG « De Terre et d’Encre » (16 septembre 2015)

DE TERRE & d' ENCRE " texte 4- 28 Août 2015-
Ce voyage de l'an dernier date d'un siècle au moins. En ce temps- là j'étais immortelle, tout portait à le croire.
Nous étions quasi au bout du monde, jamais au bout de nous-mêmes: il nous restait tant de routes encore à parcourir, de vies à déchiffrer, de lettres à relire...
Mais à force d'océans, de routes et de vallées j'avais enfin commencé de vie...illir normalement, le temps perdu m'avait rattrapée et me ramenait aux sources.

C'était comme un voyage à l'envers: au fur et à mesure que les souvenirs enfouis de ma jeunesse s'ouvraient sous le scalpel des mots, j'acceptais enfin que mes rides se creusent, que mon dos se courbe seconde après seconde, que quelques cheveux blanchissent.
Avec coquetterie je me mettais doucement en boule, poitrine rentrée, dans l’idée qu'un jour je roulerais comme un osselet émoussé vers l'origine du monde, le néant dont nous sommes tous issus. J'entendais au loin la sourde rumeur d'une berceuse à rebours m'emportant dans les méandres du sommeil. C'était comme une valse infinie dans le mécanisme d’une boîte à musique depuis si longtemps prè programmée qu'il n'y avait nul lieu de s'en effaroucher. L'ordre naturel des choses viendrait me cueillir à temps, et nul cri d'oiseau n'aurait su désamorcer cette nécessaire déchirure.
Mon esprit et mon cœur s'étaient faits à cette lente idée, l’attente commençait curieusement à prendre comme un goût d’éternité…

Tout s’est déréglé brutalement. En janvier il y eut ce vide, cette absence, le trou béant de la terre que rien ne comble. Chaque jour désormais rajoute du temps au lieu d’en effacer.
Cessant de me dissoudre comme grains de sable, voilà que je reste lourde comme marbre entier aux veines froides, silence de mort dont je me suis faite église… Il faudrait un millier d’années de prières et de musiques d’orgues pour que tout se désagrège et retourne au silence jadis commencé.
Voilà que je ne sais plus mourir.

© Hélène PHUNG « De Terre & d’ Encre »

De Terre & d'Encre Texte 3 / dans la nuit du 25 au 26 Août

Il est des nuits de rivière lente où l’on discute avec son ombre, la bouche parle tandis que l’œil guette la lente traversée des météorites.

Il est dans la profondeur de chaque seconde de purs joyaux de silence qu’il suffit de savoir déterrer pour qu’aussitôt jaillissent des espaces inouïs. Je crois me souvenir d’un lieu initial et si to...tal qu’il s’est collé à ma chair à mes entrailles, éternellement j’y suis resté, éternellement j’y suis encore.
Le matin pourtant s’éveille et l’infatigable promesse de l’aube ; allons debout, il va falloir naviguer entre ciel et terre où se déplace l’horizon, moi immobile, me laissant porter par les fluides : ce large courant souterrain, cette rumeur sourde, ce déploiement de forces inutiles.

Je bouge avec deux secondes d’avance sur ma chair et c’est dans cet espace infime que dansent les fantômes, que je leur parle et qu’ils me répondent, m’envoyant des oiseaux, des feuilles et des rivières d’une façon si bouleversante , si totale, que ça finit par ressembler à la vie. Celle qui me porte, me draine, me perfuse de ses innombrables courants.

Me voilà rivière à la porte de moi-même ; de ce mouvement là je participe corps et âme, m’abandonnant à l’ivresse de surnager au-delà de cet au-delà que je connais encore.
Enfin s’ouvre le mystère,  je ferme les yeux et la nuit me commence...

Matin calme au bord de rien, juste la fenêtre ouverte et Christian qui joue du piano un court instant. Silence. Je sais depuis ma chambre donnant sur chants d’oiseaux que ça veut simplement dire qu’il s’est levé pour voir si le pain qu’il a mis à réchauffer au four n’est pas en train de brûler.
Nous sommes dans ce monde de circonstances ténues, midi en s...ursis, les cloches du bas viennent de sonner, si près du cimetière, le repas en instance et les notes de musique qui ébranlent mon corps comme une longue traversée de ce rien.
Un souffle minimaliste qui perdure, offrant des visions de bleu du ciel et de courts effrois sur la peau, alors que tout pourrait s’éteindre d’un coup, à la limite extrême de notre conscience d’être au monde, sans même savoir ce qu’est ce monde.
Mais peu importe finalement .
Le piano se tait, longtemps. Peut être que le musicien tourne une page, cherche le morceau de musique qui va coller à son cœur, à l’instant.
Peut- être qu’il espère une lueur de silence dans l’inaudible vacarme du monde. L’odeur du pain chaud monte, le dernier arpège se dilue dans la soie du temps.
Je ne sais rien, et déjà j'essaie de l’oublier.
© Hélène PHUNG « L’inaudible » 15 Juin 2015

Comme l’aube chante tôt ces temps ci ! Un vacarme d’oiseaux tire la lumière…
Au printemps, je dors toujours la porte- fenêtre ouverte, sans le moindre rideau. Dès quatre heures du matin une brèche s’ouvre parfois dans mon sommeil et je me retrouve étonnamment vive sous les draps. Une folie alors toujours m’emporte : il me faut aller voir, comme lorsque j’étais enfant à la fenêtre.
Je sors, pi...eds nus, me faufiler dans ce qu’il reste encore d’étoiles et de lune, d’accouplements de grenouilles au fond du puits. Je sais qu’il faut faire vite, que tout bascule d’un coup à la lisière d’un pré, sur le rebord même des herbes qui subitement s’éclairent, recrachant leur noirceur d’encre pour éclore à la subtile verdeur des naissances.
Il y aurait quelque chose à retenir qui pourtant s’épuise, partout, à la surface de l’eau, sur le chemin des nervures, dans le souffle des êtres respirant. Tout s’extirpe, s’échappe à soi- même, retourne au vertige sans fin des premiers sursauts de lumière.
J’absorbe ce long voyage fibreux, ce temps indéfini qui lentement m’écoule, avant de revenir au silence lumineux des draps.
© Hélène PHUNG « L’inaudible » 13 Juin 2015
Déjà les cheveux poussent en vrilles et forment des nids à plumes pour jours de grand vent, la peau se tend et se dessèche, qui se prépare d'elle- même à couvrir le cercle d'un tambour de large diamètre.
Le cœur de l'arbre espéré s'ouvre à la démesure des espaces. Bientôt son bois cerclé servira de monture aux folles échappées du poète chanteur. Les oreilles se fendent et laissent couler la sève... musicale qui grimpe jusqu'aux étoiles ...
Cette immense traversée me constitue, je suis ce chant, cette bouche et ce silence, la corde du soir tendue d'un bout à l'autre de l'horizon.
Rien n'échappe à la vie, pas même les mots que nous portons comme puissants sortilèges autour du cou: paroles d'ambre et de feu mêlés.
Mon souffle lui même s'enroule, devient serpent, lente couleuvre du geste, mon sang se chamanise..
Nos spasmes infinis et nos secousses amoureuses n'auront pas été vains: écoute comme tout vibre et se déroule enfin jusqu'aux portes du silence. ..
©" Hélène Phung Extrait de "L' Inaudible " 04 juin 2015
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Nous autres les hommes, nous racontons.
Nous nous racontons des histoires afin d’y croire. Et nous prions pour que nos longues chansons aient un sens, tant et si bien que nous finissons par avoir foi en nos prières elles- mêmes , car elles portent le rythme de notre chair, elles sont le souffle incarné de notre ...folle espérance.
En chemin des liens se tissent, les rumeurs se gonflent les unes les autres et les paroles de consolation que nous avions prodiguées en des temps d’insouciance, quand il ne coûtait rien de mettre un peu de baume au cœur des plus désenchantés, voilà qu’elles reviennent à nos oreilles, dans les heures les plus sombres, et ceux qui nous les déversent avec conviction ignorent à quel point nous avions embelli notre verbe à leur seule intention.

A force d’explorer les sens, nous arrivons à une saturation de significations, il est grand temps alors de plonger dans les profondeurs insoupçonnées du silence, parce qu’en bout de course rien ne nous attend que le néant que nous avions rempli de symboles, d’anecdotes, de légendes et de superstitions.

Quel fol animal que ce singe bavard, même mort il parle encore, on le lit, on le récite, on fait circuler à voix haute ou par écrit ses incessantes jérémiades et ses insensées rêveries qui transportent plus loin que les étoiles…
Même mort il chante encore et son souffle vient gonfler celui des chantres passés et des démiurges à venir, dont les voix viendront grossir encore l’inébranlable bruit.

Chaque planète tournant dans le cosmos émet son propre chant de sirène que la NASA peut capter, reproduire à l’infini, juste pour la beauté des messages sans fin ni destinataires…
La litanie de Neptune ne ressemble en rien au monologue métallique de Mars ni aux stridences électriques de Vénus.
Nos folles histoires, celles de nos vies conglomérées liées aux vertigineuses sirènes des métropoles et au souffle fluide de la planète terre déroulant le bleu de ses océans, tout cela finira –t-il par chanter une seule note ténue aux oreilles d’un improbable Dieu ?
Mais le bonheur bien sûr n’est que de chanter, pour personne, pour rien.

© Hélène PHUNG 22 Mai 2015 Sardaigne en remontant les côtes orientales...

CARNET SANS VOYAGE Feuillets de Sardaigne ( le voyage se poursuit.. ..)
Le voyage insulaire au premier abord est un non-sens. Partir loin, parfois au bout du monde, pour s’enfermer sur une île semble tenir de l’aberration.
Il y a une sorte d’obsession de la limite, un jeu de l’enfermement et de la vastitude. On suit le littoral comme pour éprouver la mesure entière de l’île, la dimension de son ...pourtour, mais ce faisant on ne peut s’empêcher de lorgner vers l’intérieur des terres qui se perdent dans des horizons montagneux dont le noyau terrestre nous attire, aimant initial, centre de gravité aussi rassurant qu’un ventre des origines, mais lorsqu’on y est, le besoin d’aller au large nous reprend. Incessant aller-retour : la mer est trop proche, la terre trop présente.

Alors le voyageur oscille sans cesse entre ces deux pôles, ne parvenant à trouver un équilibre l’immobilité parfaite de son être. Imaginez qu’à cela s’ajoute encore le ciel, tout cet espace à prendre… Tout compte fait, heureusement , qu’entre terre et eau s’immisce ce lieu des douces perditions qui permet une alternative moins physique : le ciel c’est comme la possibilité d’un au-delà où il n’y aurait plus à décider où aller car c’est lui qui vous prend, à l’improviste…

© Hélène PHUNG " Carnet sans voyage" Extrait du feuillet du 13 Mai 2015

Au centre de moi
Ne reste que le feu
La l...angue écrite de nos nuits
En longues gerçures de silence
Une fois pour toutes tu m’as éblouie
Et relâchée
Depuis je ne cesse de revenir
Au nœud de cette étreinte
Infini départ
A la limite des épidermes
Où nos rêves caméléons
Se poursuivent et s’entredévorent
Je voudrais ne l’avoir jamais quitté
Ce lieu terrible
Cette enfance de soi
A la source de l’autre
Déjà dévoré.

© extrait de « ENCRES » 6 décembre 2014

Dehors est blanc, si blanc, j’aimerais que la même neige tombe à l’intérieur de son corps d’enfant. Depuis tant d’années je ne l’ai pas pris dans mes bras vraiment, ni bercé. J’ai laissé ce privilège aux femmes de sa vie, qui l’ont fait mûrir, mais qui eût cru qu’ allait croître aussi au milieu de lui, cette chose là qu’ il faut maintenant absolument effacer avant qu’elle ne le ronge de l’intérie...ur ? La pensée magique, les prières, les tempêtes de sable et de neige ne peuvent -elles donc rien laver des dérèglements intérieurs ? Si seulement dehors pouvait éponger dedans.
Mais je laisserais des hommes et des femmes plus concrets que moi s’emparer de lui, le prendre, le couper, le vider, le racler, le recoudre et le bombarder de rayons, eux savent peut- être extraire cette chose que je ne peux même pas nommer moi qui n’ai pour tout scalpel que celui des mots et je m’aperçois que ceux- ci sont émoussés qu’ils n’ont pas prise sur le réel, qu’ils ne savent que prier, invoquer la météo des songes. Serait- ce là notre maladie commune que de n’être pas accordé au temps véritable ni à la géographie essentielle de notre propre corps ?

Si je savais la phrase à dire, le mot à écrire alors peut être retrouverai -je le pouvoir d’agir sur les éléments. Je ferais neiger au dedans de lui afin qu’au dégel s’effacent les tumeurs, provoquant par la même occasion un blizzard violent au dedans de moi, qui me ferait m’arc- bouter en serrant les dents, jusqu’à ce qu’ aux derniers soubresauts de l’hiver succède enfin le printemps. Il me faut opérer en écriture, si seulement le mot pouvait précéder d’une seconde le laser.
© Hélène PHUNG Carnet sans voyage 31 décembre 2014


" ..Je pose la main en ce lieu si étrange, qu'il m’est devenu étranger, je dois chercher la palpitation, car j’en ai perdu les touchers infimes et les odeurs, les ondes pareilles à de minuscules rivières souterraines, rien ne reste que le grondement sourd, violent, de la vie qui bat, le choc du sang qui afflue et repart vers une destination fermée, inconnue de moi- même car j’ai oublié jusqu’à la chanson du cycle, la ferveur de tourner au rythme des saisons dans la perte inoubliable d'une mémoire qui s’enroche, se fait pierre minérale, caillou abrupt au firmament d'un crâne étoilé..."

© Hélène PHUNG " Carnet sans voyage" 22 septembre 2014

CARNET sans VOYAGE 24 Août 2014 Quelle est cette chose, la plus simple, que je n’aie pas dite encore ? Il est une anguille chanteuse qui fredonne sous les prairies. Si l’on se penche sur les trous d’eau de sa mémoire profonde, on peut l’entendre vaguement murmurer des herbes et des silences plus longs que souffles de brume au-dessus des étangs, que buée d’haleine lorsque le pull en laine rèche vous gratte à la gorge et qu’il faut presser le pas parce que la nuit tombe. Mais le chemin vous rattrape, qui court plus vite que vous, douleur aux mollets d’enfants égratignés dans les ronces… Ce jour là, je me suis arrêtée, le chant m’a épinglée en pleine course, frappant définitivement l’ouïe de la terre, et tout s’est figé, à l’entour, comme pour me laisser le temps d’apprendre. Les sons ont coulé, couleuvres lentes dans mes oreilles, me nourrissant de l’inépuisable chant qui gonfla mon tympan jusqu’à ta source bien aimée, et j’ai reconnu tous les mots que tu me dirais plus tard, toi, tous les soleils du monde dans ma course égarée, toutes les forêts et les chants d’oiseaux qui colleraient à mon épiderme jusqu’à donner consistance à l’illusion d’être. Je suis née à cette minute précise. Et j’y suis morte aussi. Car rien ne dure que l’éphémère. © Hélène PHUNG « L’inaudible » 24 Août 2014
CARNET sans VOYAGE 24 Août 2014
Quelle est cette chose, la plus simple, que je n’aie pas dite encore ? Il est une anguille chanteuse qui fredonne sous les prairies. Si l’on se penche sur les trous d’eau de sa mémoire profonde, on peut l’entendre vaguement murmurer des herbes et des silences plus longs que souffles de brume au-dessus des étangs, que buée d’haleine lorsque le pull en laine rèche vo...us gratte à la gorge et qu’il faut presser le pas parce que la nuit tombe. Mais le chemin vous rattrape, qui court plus vite que vous, douleur aux mollets d’enfants égratignés dans les ronces…
Ce jour là, je me suis arrêtée, le chant m’a épinglée en pleine course, frappant définitivement l’ouïe de la terre, et tout s’est figé, à l’entour, comme pour me laisser le temps d’apprendre. Les sons ont coulé, couleuvres lentes dans mes oreilles, me nourrissant de l’inépuisable chant qui gonfla mon tympan jusqu’à ta source bien aimée, et j’ai reconnu tous les mots que tu me dirais plus tard, toi, tous les soleils du monde dans ma course égarée, toutes les forêts et les chants d’oiseaux qui colleraient à mon épiderme jusqu’à donner consistance à l’illusion d’être. Je suis née à cette minute précise. Et j’y suis morte aussi. Car rien ne dure que l’éphémère.
© Hélène PHUNG « L’inaudible » 24 Août 2014
21 août CARNET SANS VOYAGE
Droites tendues, les lavandes vers leur chemin de ciel bleu, et toute cette lumière tissée de soleils. Je me suis assoupie dehors, sur la chaise longue, loin derrière mes paupière fermées vibrent des trouées de sommeil. Rien ne se passe vraiment.
Tout à l’heure j’ai bu un café et j’ai laissé ma tasse sur la table, ce soir il faudra gratter la trace incrustée, mais o...n peut aussi choisir de la laisser pour qu’elle raconte sa lente histoire d’une après midi sans corps.
Je me lève, descends le chemin, au milieu des herbes hautes : nous sommes tellement partis que tout a poussé dans tous les sens, rien n’a arrêté les éboulis de pierres sous les pluies d’été .
Dans la boite aux lettres le livre que j’attendais « Eloge du voyage …» de Josef Schovanec, je l’ouvrirai plus tard, lorsqu’il n’y aura pas d’autre issue. A la fin de la journée dans ce moment de bascule où le monde finit de perdre le peu de son sens et de sa musique intérieure, alors il faudra bien ouvrir quelque chose …
Pour l’heure, je retourne à la douce verticalité des fleurs, aux tiges droites et aux calices penches, aux branches courbées au -dessus de l’eau, fermant les yeux parce que tout compte fait, il n’y a rien à regarder.
Que peut un jardin, face au silence ?
© Hélène PHUNG « CARNET SANS VOYAGE » 21 Août 2014
Ce jour coule de source. Rien à rajouter au ciel de lucarne ,cette première chose du monde que mon regard peut attraper au réveil.
Chaque matin il faut une raison de lever son corps. Une bonne simple raison aussi limpide que la lumière du jour.Parfois un reflet suffit. Une odeur, un remuement. Quelque chose alors se déclenche à l'intérieur :comme une hormone de vie qui envahirait l'organisme, e...mpêcherait toute vegetalisation des sens.

Certaines fois on aimerait bien coloniser les draps, que d'imperceptibles crins issus de notre épiderme se marient à ceux du lin jusqu'à ce qu'on s'y attache comme dans un nid. Là dans cette tanière de rêves, de plumes de couette et de viscères tiedes la chrysalide installée doucement gonflerait....
Plus besoin alors d'aucun prétexte à vivre. La nature suivrait son cours, le songe ses méandres intérieurs et l'on se réveillerait femme ou caméléon, cistude ou fauvette accomplie.
Mais quelque empêchement toujours finit par se produire, grain de sable au milieu du mécanisme des profondeurs.
Alors l'on se réveille étranger a soi même.Toute la journée accroché à son propre corps , pur rejet d'une greffe dont on n'a même plus souvenir.

© Hélène Phung 4 avril 2016 "De terre & d'encre"
Où vas -tu ? me demande-t-on. "Nulle part" est ma réponse, partout...
Ce matin je cueille un surplus de moi même, une résidence à vivre en subtile cohabitation entre celle qui reste et l'autre qui marche. Loin devant. Comme si nous étions de mèche avec la vie depuis l'aube des temps. Comme s'il n'existait d'autre voyage que celui du verbe au plus lointain de nos mémoires . Je serai toujours celle ...qui s'arrête pour humer l'air. Une paire d'ailes rétractables dans le dos et le cache-sein en bandoulière. Je serai celle qui frôle les trottoirs avec un arrière goût de chewing -gum dans la gorge parce qu'il faut bien mâchonner quelque chose avant d'ouvrir les mots. De tuer la page.
Cet envol de pigeons, je te le dédie, si tu savais comme ça bruisse à chaque enjambée! Bientôt on tirera à vue sur les slameurs et les poètes et les enfants qui courent après les oiseaux juste pour leur faire ouvrir les rémiges en immaculant le ciel.
Dans ma besace se bousculent des perles de disance, des phraséoles portées par le souffle, c'est juste magi-fique.
Et cette chanson là, des mots dévoyés, je veux que tu la prennes, qu'elle te retourne les dedans et t'invagines les oreilles jusqu'à épuisement du silence.
" De Terre & d'encre" © Hélène PHUNG 17 janvier 2016
Le sang coule de source sûre dans mes veines. Il se déploie jusqu'aux ailes immenses de mon coeur. Je ne parle pas du muscle mais bien du sanctuaire de vide et de silence que j'abrite , tel un trou de ciel noir, une pépite de cosmos au sein du saint. Lieu originel.

Cette échappée du vide me remplit, ce silence des profondeurs me raconte. Dans cette absence béante de moi-même je sais trouver enf...in un lieu de repos et la justification entière de mon existence.

Par ce puits sans fond, je me retirerai, lorsque l'heure viendra de l'épuisement de mon temps.
Tout ce qui aura eu lieu, n'aura plus lieu d'être ni d'avoir jamais été.
Et pourtant j'y reconnaitrai les traces de mon sempiternel chemin.

16 Janvier 2016 " De Terre & d'encre" © Hélène PHUNG
L'avantage de partir c'est de s'alléger... Nous aurons tout avec nous, tout le temps, alors il s'agit de choisir l'indispensable.
Je me souviens de ce temps où Gaël et sa compagne alors âgés de 18 ans ressemblaient à de gros escargots, avec leur bazard gréffé sur le dos: linge, livres, tente. A l'intérieur la chair, les tripes, le rêve, à l'extérieur la matière. De quoi survivre dans le monde des... hommes, si terrestre. Plus une ou deux chansons dans la tête, ça ne tient pas de place et ça peut toujours alléger lorsqu'on marche.

Il a toujours voulu le soft, l'aérien, mon saltiimbanque de fils. Aller sur un fil. Ne même pas planter la graine. Ils ont voltigé, ensemble, séparément.
Je me souviens des deux ou trois fois où la corde s'était cassée si fort qu'il m'avait fallu le consoler au bout du fil.
Un grand garçon en sanglots, ça vous fend le coeur. Alors que dire, sinon, comme lorsqu'il était enfant et qu'il tombait de la balançoire: remonte, mon fils, courage. Le ciel est au bout.

A chaque fois il est reparti, et je me souviens de tant d'éclats de voix, de rires.
Ce matin j'ai failli bifurquer vers le cimetière mais je me suis dit que c'était ridicule, vraiment.
Mon compagnon s'est occupé de tout. Je ne suis jamais retournée vers le trou sans fond où dorment les os. Toujours lorsque je songe à lui c'est le ciel qui m'attire et non la force gravide.

Voilà pourquoi il est si facile pour moi de parcourir la terre, d'aller au Népal, près de l'Himalaya.
Le ciel ne se partage jamais aussi bien qu'au bout du monde, du voyage. A l'intérieur la chair fragile, marquée, ridée, le coeur à bout de souffle. Sur le pourtour la carapace de toile et de plastique. Mais je crois bien, même si Décathlon n'a rien certifé en ce sens, que les corps éthériques débordent de la matière, transfusent à travers les polaires, les coques de protection des sacs et autres liens en bandoulières.
Que l'amour se déplace à la vitesse de la lumière. Chaque oiseau en vol tracera des signes et nos propres pas sur le sol seront autant d'écritures lisibles de loin et de toujours...

© Hélène Phung " De terre & d'encre "12 Janvier 2016
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Les valises sont bouclées, ma vie à peu près: retour au point zéro. J'ai fait le tour du monde de ma propre finitude.
Mais je ne saurais dire où tout commence, donc s'achève, car le mystère demeure, infranchissable.
Aussi vaste qu'une enfance, qu'un paradis pour les oiseaux. Ce sera l'ultime étape que d' en trouver le chemin, que de s'y asseoir comme dans son propre corps et de s'en envoler...
Je rêve d'une étreinte d'air qui ouvrirait des ailes flexueuses au bord de mes omoplates, au moment même où j'abandonnerai l'entrave de mon corps.

La femme d'os dormira de mon sommeil abandonné, de mes rêves de gisante, tandis que j'épouserai l'inaccompli.

©Hélène PHUNG " De terre & d'encre" 10 Janvier 2016

 

Il ne me reste rien, pas même l'envie d'écrire, vraiment. Je m'accroche au clavier comme à une vitre, derrière laquelle d'autres se penchent et regardent.
Et dire qu'autrefois je voyais les yeux fermés. On me glissait une pierre dans le poing et je savais instantanément la forme, la couleur.

Ca me traversait sans l'ombre d'une pensée, sans le flétrissement des mots. C'était u...ne sensation sans âge, comme une captation directe d'un réel à fleur d'âme. Allez raconter ça aux autres, allez donc le graver sur l'écran où se reflète une nuit pluvieuse venue de l'intérieur...
Très vite on comprend qu'il est des mystères à ne pas éventer, sous peine d'endeuiller le silence, de passer pour une illuminée. Quelle belle chose pourtant que d'être éclairée de l'intérieur. Prête à s'embraser aux ultimes atomes de vide...

Alors je ne dirai rien, je chanterai, je danserai.
Je ferai l'arbre et ses racines, je glisserai dans la peau du serpent, dans le ventre d' un songe ,afin de ne pas déranger l'ordre du monde.
Au petit matin on trouvera sur ma page comme des fragrances reptiliennes entre deux mots.
Mais vite on oubliera, car j'en suis intimement persuadée maintenant: nous sommes sur terre, uniquement pour oublier.
Quoi? Je ne sais plus.
Et c'est bien la preuve...
Hélène PHUNG © " De terre & d'Encre" 6 janvier 2016
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Puisque je te parle, il faut bien que quelque part tu m 'entendes. Je te donne des nouvelles de la terre, sachant bien que celle- ci demeure au plus près de nous le seul lieu d'habitation partagé . J'y allonge encore mon corps et ses rêves . Le soleil de midi, dans sa verticalité, me tient debout .
Tandis que tu n'habites plus que l'idée de cette terre dans un coin obscur de mon cœur où s'entreti...ent une parole silencieuse. Dans cet entre-monde, toutes les trouées de mémoire, les chambres vides de nos espaces, quelque chose encore s'enracine outre absence .

Ah la folie de persévérer! De creuser du sens comme l'on creuse une tanière où enfoncer le sommeil!
Hier j'ai haï cet homme qui disait sur antenne que le ciel n'existe pas, que le mort est bien mort et ne revient pas, qu'il ne flotte nulle part ailleurs que dans nos mémoires elles -mêmes égarées.
Il aurait écrit tout un livre à ce propos. C'est à peine si j'ai le courage de riposter en ces quelques lignes qui déjà m'éloignent de toi.
Alors reprenons nos longs concilabules en faisant comme si les nouvelles de la terre ne sauraient déranger ce lieu dormant où encore nous partageons le peu de ciel qui nous reste .
Parole invisible en terre inaudible. Nous n'y parlons que d'amour .Le reste est silence.

©Helene Phung " De Terre & d' Encre" 5 avril 2016
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Dans la nuit encore les oiseaux chantent à tue -tête. Je crois que c'est pour le réveiller, pour qu'il déserte la mort, secoue la terre et pénètre leurs gosiers. Qu'il habite leur plumage et se fonde dans les couleurs du ciel qui peu à peu captent le sel de nos lentes, nos interminables blancheurs.
Vus de là-haut, nous surplombant, comme il doit le faire; nous ressemblons probablement à des s...quelettes couchés à l'intérieur de nos corps étriqués. Mais l'horizon se lève, délivrant le jour, habillant notre desir de vivre d'une foudroyante verticalité. Oui, nous voilà debout au bord de sa tombe, en ce jour de mars . Nous l'avons accompagné jusqu'ici afin qu' il accomplisse notre dernier sommeil. Celui que nous repoussons avec force vers les limites du monde visible.
Les fleurs ont été bues jusqu'à la lice, la beauté mangée de l'intérieur .Il nous reste une nuée de mots à épuiser avant de nous taire à tout jamais. Son silence déjà nous aspire. Bientot, nous lui rendrons notre premier souffle.

Hélène Phung 26 mars 2016 "De terre & d' encre"
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La vie tient dans un corps, une valise...
Il n'a plus de corps et sa valise est si petite.
Début octobre nous rangerons ses maigres affaires, et cela nous rappelera qu'il a toujours voulu rester léger, libre comme l'air soufflant en brise ou en rafales.
Chaque vent rencontré à présent me parle de lui.
Car nous n'avons que cela: la musique de nos souvenirs, le rythme oublié des pulsations. Nous n...e sommes que vibrations, énergie nomade en territoires de survie.
Alors autant essayer de grimper jusqu'aux étoiles le temps d'un sursaut, autant s'abandonner au vertige des mots qui couvrent l'absence.
Que reste-t-il mon pauvre enfant?
Le chemin que nous avons tracé, et l'envie de le poursuivre sans toi, juste pour la beauté d'avancer encore.

© Hélène Phung " De terre et d' Encre" 22 Septembre 2016

De Terre & d' Encre" Texte 4
Il est un chemin qui prend racine dans le corps, et va plus vite que le vent .Il s’agit de le suivre comme on danse avec un arbre sans se soucier jamais des ombres projetées ni des sèves brûlées. L’on consomme la beauté du monde jusqu’à ce qu’une vibrante lumière s’ouvre à la mitan de soi. C’est l’heure où l’âme se regarde enfin dans le bleu infini de sa propre tra...nsparence.

Je suis cette eau longuement noyée, cette danse des matières et la lente valse de toutes les amours sans lisières. Je suis le chemin de mon corps parcouru et la géographie perdue de mes espaces.
Mais ce qui s’accroche enfin et prend racine dans la lumière, cette avancée en terre de soi, ouverte sur la frénésie de vivre et toutes ces fièvres qui circulent, les longues couleuvres du désir oh comment ne pas avancer dans un grand bruit de forêts, toutes lianes emmêlées ?
A grandes enjambées de marécages et de lunaisons , feuillages épais d’une canopée en marche dans le sens des étoiles et des vents célestes.

Et lorsqu'au bout de la nuit, ayant emporté avec soi tout l’horizon, l'on arrive aux portes du désert dont déjà s’envolent les dunes et les mirages, comment ne pas alors céder à la tentation des ailes ?

© H PHUNG « De Terre & d’ Encre » Texte 5 (Nuit du 28 au 29 août)
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De Terre & d'Encre Texte 3 / dans la nuit du 25 au 26 Août

Il est des nuits de rivière lente où l’on discute avec son ombre, la bouche parle tandis que l’œil guette la lente traversée des météorites.

Il est dans la profondeur de chaque seconde de purs joyaux de silence qu’il suffit de savoir déterrer pour qu’aussitôt jaillissent des espaces inouïs. Je crois me souvenir d’un lieu initial et si to...tal qu’il s’est collé à ma chair à mes entrailles, éternellement j’y suis resté, éternellement j’y suis encore.
Le matin pourtant s’éveille et l’infatigable promesse de l’aube ; allons debout, il va falloir naviguer entre ciel et terre où se déplace l’horizon, moi immobile, me laissant porter par les fluides : ce large courant souterrain, cette rumeur sourde, ce déploiement de forces inutiles.

Je bouge avec deux secondes d’avance sur ma chair et c’est dans cet espace infime que dansent les fantômes, que je leur parle et qu’ils me répondent, m’envoyant des oiseaux, des feuilles et des rivières d’une façon si bouleversante , si totale, que ça finit par ressembler à la vie. Celle qui me porte, me draine, me perfuse de ses innombrables courants.

Me voilà rivière à la porte de moi-même ; de ce mouvement là je participe corps et âme, m’abandonnant à l’ivresse de surnager au-delà de cet au-delà que je connais encore.
Enfin s’ouvre le mystère, enfin je ferme les yeux et commence ma nuit.

© Hélène PHUNG « De Terre & d’ Encre » 26 août 2015
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