J'ai toujours rêvé d'être carnettiste comme mon ami "Lapin" de Barcelone... mais je ne suis  pas douée pour croquer à coups de dessins, alors depuis que j'ai repris la plume, je "croque" avec les mots.

Des carnets m'accompagnent chaque jour, avec ou sans voyage sinon celui intérieur de mes émotions et mes souvenirs...

 Voici quelques court extraits. Peu à peu  je mets en ligne...


Bien des feuillets à rassembler et retrouver, la grande oublieuse que je suis a enfin compris qu'elle devait dater ses pages au lieu de les laisser s'envoler au vent .

( sauf au VENT de HAIKU bien sûr... ) mais ça c'est une autre histoire, dirait la conteuse...



Québec

  1. Ayant survolé les territoires de la nuit, me voici collée au jour comme une manthe religieuse. Je suce l'instant, me nourrissant de son énergie et de toutes les prouesses de beauté pour et par moi accomplies . A l'intérieur de mon corps, je le sais, les plus minuscules des atomes dansent le verbe originel à une vitesse supralumineuse, alors que je reste immobile.
    Muette et passive.
  2. Les lianes qui pendent au dessus de ma tête pensent avec moi, le quart de lune à peine visibl...e à midi, les moucherons, le bruit de la voiture qui démarre et ta main qui fourrage et cherche un sein encore frais.
    C'est ce qui vieillit le moins vite chez la femme.
    Le goût du lait y reste accroché.
  3. Ah cette sensation d'être le bleu du fauteuil qui se ploie en même temps que la robe froissée, que le moustique qui frôle la tempe, que la main qui s'enfonce , que le pollen qui danse à l'horizon!
  4. Nous avons goûté à cette vibration,en amants indivisibles, toi, moi, le cours du monde s'écoulant à ciel ouvert, toutes nos cicatrices réunies, les coutures de l'invisible et la couleur orange des grandes hemerocalles se balançant au vent.
    Comment nous dissocier de la vie, de sa merveilleuse et lumineuse totalité , au moment même ou nous la perpetrons, dans un spasme de douce lucidité?
  5. Ne cherche pas l'éternité mon ami, nous l'avons à ce point dévorée qu'elle jouit une dernière fois d'elle -meme avant de nous rendre au silence.
    Car rien ne fut consommé que l'amour.
  6. Hélène Phung 18 juin 2017


Je suis cette voyageuse sans âme, d'une écriture sans carnets, parfois je m'arrête au bord d'une rivière, dont je sais les eaux troubles, le langage intime: roulis de pierres ou silence laiteux des ombres en chemin. Mais qui marche dans mes pas, qui déjà se relève et chante, debout en attente d'une destination nouvelle? 

Ni le temps ni l'absence, je n'ai rien vu passer qu' une libellule emportant dans son vol toute la grâce de l'instant foudroyé... © Hélène PHUNG

Lectures,photos & anecdotes en marge du "CARNET SANS VOYAGE" de Hélène PHUNG:
" Si le voyageur devait définir une dernière fois l'épreuve de sa mésaventure (au sens de non-aventure), ce serait ainsi: apprendre à supporter l'immobilité. Une immobilité qui peut être celle de la pierre, mais qui est aussi celle de la mer et des nuages: un mouvement perpétuel qui se dissout lui-même dans le cycle de sa répétition."
" Le VOYAGEUR EVEILLE ". Nicolas Bonnal


Suite du feuillet du 28 Octobre 2014 d'un CARNET SANS VOYAGE - Hélène PHUNG - Tous droits réservés-
Là -bas, au bout de la France dont je reviens à peine, et plus loin encore, un artiste de land art a posé des pierres sous un arbre en pensant à moi, qui voyageais aux côtés d’une jeune peintre péruvienne. Tandis qu’il œuvrait en silence, elle a parlé. Tout le temps du voyage mes oreilles ont été bercées de la lancinante mélopée de la vie qui se raconte et puis se tait, c’est ...cela vraiment que j’aurais aimé dessiner si j’avais eu encore un peu d’âme au bout des doigts, et puis bien sûr il y avait ce livre qui m’attendait dans la boîte à lettres, les mots de Paul l’ami poète que j’avais oublié d’avoir oublié. Comme il faut chercher loin ce que nous sommes encore…
« Carnet sans voyage » © Hélène PHUNG 28 Octobre 2014
(Photographie prise au Portugal Côte atlantique )


CARNET SANS VOYAGE Extrait de la page du 28 Octobre 2014
Le vent souffle ou ne souffle pas, qu’importe, tout est affaire d’humeur. J’ai longé les trottoirs du Mans comme on longe un port amarré de bateaux en partance, d’immenses voiliers en manque de vagues. Nul besoin de lune ni de boussole, me voilà rendue. Revenue au point zéro de mes chères montagnes, c’est là que tout a failli, même moi...
Les pigments dont me parlait Blandine, et que je serais allée chercher du côté de Marrakech si seulement j’avais eu l’ombre d’une seule idée à dessiner, et le souffle d’un carnet dans la poche, or je ne transporte rien que mon âme en étoile, un corps de moins en moins à l’image de mes images, un cœur à bout de rythme et des pas de danse sous les semelles…

« Carnet sans voyage » © Hélène PHUNG

 


Il y en a qui m'aiment trop et d'autres pas assez; aujourd'hui les feuilles tombées rouges des arbres faisaient des tâches de trop sur le gravier... Mais les gens ne faisaient que passer, comme vous, comme moi, comme octobre, qui d'ailleurs déjà s'en va. Je ne regrette rien, si... Un carnet de cuir que j'ai failli acheter, j'y aurais inscrit la date d'aujourd'hui et rien d'autre, tout le reste serait resté en silence au fond de ma poche, et ce silence, c'est sûr, je l'aurais emmené partout avec moi, il ne m'aurait plus jamais quittée. Parfois, la seule chose qui vous reste est tellement plus vaste que vous- même, que c'en devient une terre, un ciel, et le chemin de ne pas y aller. © Hélène PHUNG " Carnet sans voyage" Le Mans 23 Octobre 2014

 

CARNET SANS VOYAGE 24 AOUT 2014

Bien sûr, je pourrais écrire sous l’écorce de l’arbre, dans la soif verte des encres, je pourrais attenter à la pudeur de l’été évadé, (il a plu tout le temps, heureusement que nous sommes descendus en Italie), au lieu de ça, je vais à Ikéa acheter trois cadres vitrines dans lesquels j’épinglerai mes papillons de papier, et autres choses pliées, j’imagine ce que j’y mettrai, depuis ton cœur jusqu’à la cartographie de nos journées celles que no...us avons vécues et puis d’autres de mon histoire d’autrefois car il y eut un avant et un après…
Mais je cours vers maintenant, ce moment qui n’existe que deux secondes, celui de la capture ,de l’instantané.

Ce matin sur la route tandis qu’on roulait, j’ai saisi soudain mon appareil photo et j’ai pris mes pieds posés contre la vitre , un arbre qui filait plus vite que le vent. On a acheté 2 pizzas qu’on a mangées en route, et puis on est rentrés. Je préfère les longs voyages ceux où on ne fait qu’avancer, quand demain est nulle part encore , alors le temps s’allonge, les rivages se ressemblent, on peut dormir ou marcher, se taire ou parler, rien n’aboutit que le commencement d’une chose pour en clore une autre et ainsi de suite indéfiniment. Acte après acte, en toute divine légèreté. Boire un café ne prend aucune place, simple incidence collée aux quelques notes de musique d’un accordéon qui se trimbale dans la rue, juste derrière le kiosque, et déjà ailleurs s'en empare, ailleurs est là, mais qui s'en souviendra ?

On est revenus en passant par la même route qu’à l’aller, sauf que c’est moi qui ai conduit, je ne sais pas à quoi j’ai pensé tout ce temps là, peut -être que je finirai moi aussi par trouver les mots justes et qu’ils seront simples , Kérouac traînait dans ma tête. Nous avons su enfin arriver, avons retrouvé les arbres du jardin, ceux qui n’ont toujours pas livré leur fièvre de papier, j’ai oublié de sortir mes cadres de la malle, nous sommes rentrés dans le creux d’un songe, tant pis on attendra l’automne.

© Hélène PHUNG « CARNET SANS VOYAGE »24 août 2014

CARNET SANS VOYAGE, nous voici à SAN CAESARO, au 31 JUILLET 2014

Il faut bien l’admettre : le but n’est pas tant de partir loin géographiquement que d’aller vers maintenant.
« Je sens que tu n’es pas là, en ce moment » m’a dit mon compagnon. Alors, minutieusement, il a préparé les cartes. Le monde est incroyable : il suffit de chercher un lieu avec Google Maps, on survole le globe comme à bord d’un satellite, puis on se rapproche, à vue d’avion on peut discerner les grandes ...lignes du paysage, les creux et les reliefs , enfin à vue d’oiseau reconnaître les routes et les forêts, les bâtiments, les piscines et les voitures garées Alors nous survolons ensemble, Christian et moi, comme deux être ailés. Oui, l’Italie : moi, je cours après la lumière, l’eau et le ciel. Va pour l’Italie du sud, on décroche d’un quart de tour et on dérive vers Modane.
De là-haut, on peut voir que toutes les plages sont bondées de parasols à perte de vue, des kilomètres et des kilomètres de littoral greffé de chaises pliantes. Descendre plus bas, mettre le curseur plein sud, le long de la côte adriatique, enfin quelques plages vierges à partir de Vasto dans les Abruzzes, on sent que ça respire...
C’est là que nous irons a conclu mon compagnon, pas plus loin que Bari, après on revient.
Et nous voilà pas loin de Galipolli. Si ça continue, on finira dans les Calabres. De toute façon après il n’y a plus de terre, il faudra bien finir par remonter.

Pour l’instant chaque soir nous cherchons un endroit où nous poser, dormir, rêver de la journée passée, dans le temps immobile de la nuit, et chaque matin nous sommes en quête du lieu où vivre aux heures vibrantes du jour de quoi alimenter les rêves de la nuit prochaine.
C’est un cycle sans fin, un circuit fermé qui me plait, m’arrondit les espaces, une bulle comme dans le ventre d’un rien en gestation. Respirer, avaler de l’eau par la bouche et tous les pores de l’épiderme, ouvrir les yeux, battre des nageoires, en laissant ciller les branchies au rythme des marées intimes. Se laisser bercer par les kilomètres qui se déroulent comme une longue rivière de plus en plus familière.
Le lieu de cette dérive lente, c’est maintenant, toujours. Je m’y épaissis, j’y prends de la graine. Je m’accroche.

Bientôt, ça formera un caillot de sang. La chair prendra tout autour, des moignons de main écloreront et les cavités des yeux se creuseront : deux globes oculaires comme deux boutons de rose.
Je flotterai longtemps dans ce sommeil sans nom, au creux du lent bourgeonnement, mais qui verra du haut du ciel ce silencieux déploiement, qui saura la force de constellation nécessaire à une telle poussée ?
Moi même je l’ignore, qui ne suis pas encore née à ce jour.

© Hélène PHUNG " CARNET SANS VOYAGE" 30 Juillet 2014 San Caesaro, Italie.

Santiago de Compostela , les pèlerins venus du monde entier marchent et prient, les marchands du temple vendent croix celtiques et coquillages d'argent, musiciens et artistes chanteurs, troubadours des rues apportent la musique de leurs coeurs, beaucoup de jeunes sans travail mendient, tête baissée, les chapeaux devant eux étalés restant désespérément vides. Débordements de bénitiers, et sécheresse des coeurs, Santiago est à l'image de notre monde... © Hélène PHUNG, conteuse-voyageuse

Ce soir mon cœur pèse 250 pages exactement. Je les ai écrites en deux mois et demi à peine, puisque j'ai commencé le 20 mars 2014 pour finir le 13 juin de la même année, ce qui peut paraître court, mais il faut dire que j'avais 30 ans de silence à rattraper, un nom retrouvé par hasard sur internet à habiller d'une présence longtemps oubliée, un amour à redécouvrir, et surtout cette longue absence à moi-même: une amnésie à combler.

Comme il est difficile de renégocier le... passé, de peupler les béances de sa mémoire d'odeurs, d'images et de paroles,une à une reconquises sur le terreau muet du cœur, de réécrire un scénario déserté.
Mais cela, je l'ai fait, nuit après nuit, mot après mot, tout en gardant le contact avec la vie, avec mon compagnon et mes enfants, avec tous mes amis visibles et invisibles, avec lui, qui me suivait de loin, du bout de ce monde que j'aurais beau parcourir en long et en large, postant des cartes et des photographies, jamais rien ne se rattrape du temps perdu, des mots non prononcés et des actes non accomplis, le destin se joue toujours trop tard, une fois clos son mystère.

Alors on reste pauvre, même si l'on a, à force de persévérance rebâti une vérité: pauvre de soi, délesté du sens profond qu'on aurait tant voulu imprimer à sa vie, et l'on sait que le voleur de ce bien inestimable n'est autre que soi même.

Et moi, je suis plus pauvre que cela encore, puisque je crains d'avoir perdu une deuxième fois celui que je viens juste de retrouver, puisqu'il me faut apprendre le désamour au moment où je viens de toucher du bout des doigts le temps des désirs naissants, puisque ces pages que j'ai enfin écrites, ne feront probablement jamais le livre de ma vie, pour la simple raison que je crains de finir ce qui reste à finir.

Il se peut que ce lieu de suspens reste à jamais mien. Je pourrais planer, tel un oiseau dans cet entre-deux... A mi chemin entre hier et aujourd'hui. Ce qui fut écrit, et ce qui ne sera jamais lu.

Mais non, il me faudra bien clore cela, exister vraiment.
Ajouter de la vie à la vie, fabriquer des souvenirs, pour plus tard, quand il sera temps encore, de se rappeler...
© Hélène PHUNG 17 juillet 2014 - A propos de ce livre que je publierai peut-être-

CARNET SANS VOYAGE 22 Août 2014
© Hélène PHUNG

Depuis 9 jours je ne me suis pas coiffée, il me semble que des oiseaux pourraient faire leurs nids dans mes cheveux, ainsi je pourrais les garder jusqu’à l’automne, et qui sait jusqu'en début d’hiver.
Je glisserais des plumes dans la boule de tignasse, le long des tresses, j’en ai ramassé plein cet été sur le littoral de la Costa Verde et tout... au long des praïas du Portugal, dans les forêts des Maures, plumes de mouettes et de geais, j’y ajouterais quelques coquillages et des os de seiche.
Sans oublier le nid de brindilles que Zaïra a trouvé chez elle dans son jardin, si rond si parfaitement adapté à l’ovale des œufs, à la courbure des pontes et des couvées que ce sera un vrai plaisir que de sentir tant de rotondité en suspension au dessus de ma tête, au creux du fouillis à quelques centimètres à peine de ma mémoire, des nœuds vibrants où dorment d’autres nichoirs et d’autres cages à chansons…

Je passerai loin du chat de la maison, et m’assoupirai au creux des arbres qui adopteront le bourdonnant buisson d’une tête vibrante d’abeilles et de fleurs, je ne me réveillerai qu’au printemps à l’heure des bruyantes amours pour me rendormir à celle des douces couvaisons.

Tu me chercheras partout, me croiras envolée, et lorsqu’ enfin tu m’auras retrouvée, bien des images et bien des souvenirs auront éclos, alors en silence je peignerai mes longs cheveux qui auront à peine blanchi de tant d’années de suspension.

© Hélène PHUNG CARNET SANS VOYAGE 22 Août


Ce matin, une joie immense m'envahit, venue de ma poitrine, jaillissant hors de mon corps pour se perdre dans le vert encombrement de ma vie, pareil à un jardin. Elle est pivoine  plantée dans les pluies automnales, oubliée de la terre, et venant juste de s'ouvrir dans la rosée du matin, iris blanc au cœur d'or et d'insectes, toile d'araignée tissant la lente lumière d'une nuit d'insomnie , fondant aux berceuses de mon enfance, hier encore murmurées par ma mère, debout sur le monde qui l'enterrera, dont déjà elle remue la terre comme un sage linceul... Mais je sais aussi que cette joie profonde n'a pas de nom, ne se pose sur rien, reste suspendue dans l'air, plus légère que le souffle.
En fait ce sentiment  reste clos sur lui même, il est le jardin avant la semence, l'inspiration avant le souffle, le silence où voyage la parole... ©


Ce matin, j’ai cueilli une pierre pour l’offrir à la pluie. Trempée au bord de la mare comme autrefois lorsque  je restais debout devant l’œil du jardin, contemplant le ciel du haut de ma vie si brève qu’elle avait des relents de coquelicot et d’herbes mouillées. Rentre, tu attires l’orage criait ma mère depuis la fenêtre entr’ouverte, mais je n’avais pas envie des nappes à carreaux , des odeurs de friture ni des lentes berceuses de la radio allumée, juste un irrépressible désir de têtards et de libellules, de ver de terre  se tortillant dans la main et d’escargot coincé sous la sandale. Le monde avait le goût des fleurs de pissenlit  écrasées et cette souffrance gratuite du hanneton attaché au bout du fil. L’entendre vrombir dans son besoin fou de s’envoler plus haut que le ciel de nos jeux terrestres, tout cela a tâché mes poches et mon cœur de la cruauté du monde,  de ce sentiment trouble que nul ne saurait s’en évader vraiment, sauf à lâcher l’alevin et le cerf volant, les laisser délibérément s’évader plus loin que nos sens affamés, échapper pour toujours à l’emprise de nos rêves. L’un se fondait dans la rivière, l’autre repoussait plus loin les limites intangibles de l’espace …Quand à l’insecte bruyant il ouvrait soudain dans sa fuite inespérée  un royaume de silence à nos oreilles incrédules. Moi à la croisée des chemins, je me contentais de jeter des cailloux dans l’eau pour jouir  de la vague concentrique qui mourait à la périphérie du regard.

 A force de ricochets et de pluie déversée sur ma tête, j’ai fini par inscrire la notion du temps dans mes gènes, maintenant je compte les rivières traversées et les galets empilés, mais le début de chaque orage touche en moi cette partie restée infirme, ce reliquat d’âme enfantine debout devant la source du monde où rien encore ne s’est écoulé que la magique absence à soi-même.

© Hélène PHUNG « Carnet sans voyage » 17 novembre 2014

CARNET SANS VOYAGE Extrait de la page du 28 Octobre 2014
Le vent souffle ou ne souffle pas, qu’importe, tout est affaire d’humeur. J’ai longé les trottoirs du Mans comme on longe un port amarré de bateaux en partance, d’immenses voiliers en manque de vagues. Nul besoin de lune ni de boussole, me voilà rendue. Revenue au point zéro de mes chères montagnes, c’est là que tout a failli, même moi...
...Les pigments dont me parlait Blandine, et que je serais allée chercher du côté de Marrakech si seulement j’avais eu l’ombre d’une seule idée à dessiner, et le souffle d’un carnet dans la poche, or je ne transporte rien que mon âme en étoile, un corps de moins en moins à l’image de mes images, un cœur à bout de rythme et des pas de danse sous les semelles…

« Carnet sans voyage » © Hélène PHUNG


CARNET SANS VOYAGE Extrait de la page du 28 Octobre 2014
Le vent souffle ou ne souffle pas, qu’importe, tout est affaire d’humeur. J’ai longé les trottoirs du Mans comme on longe un port amarré de bateaux en partance, d’immenses voiliers en manque de vagues. Nul besoin de lune ni de boussole, me voilà rendue. Revenue au point zéro de mes chères montagnes, c’est là que tout a failli, même moi...
...Les pigments dont me parlait Blandine, et que je serais allée chercher du côté de Marrakech si seulement j’avais eu l’ombre d’une seule idée à dessiner, et le souffle d’un carnet dans la poche, or je ne transporte rien que mon âme en étoile, un corps de moins en moins à l’image de mes images, un cœur à bout de rythme et des pas de danse sous les semelles…

« Carnet sans voyage » © Hélène PHUNG

11:36
Il y a dans le silence de chaque graine
une longue chanson de vent...
© Hélène PHUNG 21 mars 2015


Je dédie ces quelques feuillets de mon CARNET SANS VOYAGE du 6 Aout 2014, d'un voyage en " MONGOLIE INTERIEURE" aux amis qui viennent juste de nous quitter et à celles qui sont en MONGOLIE actuellement...

6 Aout Nattages, en rêve de Mongolie (intérieure ou pas)

En regardant les étoiles qui sont davantage dans ma tête que dans le ciel ce soir ( le temps est couvert) je me dis que nous sommes ...ou bien dans une grande misère ou bien dans une inépuisable richesse. Je veux dire par là que soit les choses ont fondamentalement du sens, alors tous les rêves de conjonctions restent ouverts, il ne nous reste plus qu’à tisser des liens de nos cellules jusqu’aux filaments de l’insondable , tels les chamans, qui s’appellent entre eux « les hommes-en-creux » pour atteindre enfin un jour une résonance de la vaste mélodie qui se développe en nous, et tout à l’entour , soit nous sommes irrémédiablement perdus dans un silence que tous les cris, les mots gravés dans la pierre ou dans la chair n' ébrécheront jamais.
Ou bien les deux en même temps, cela reste fort probable. Ce soir, (serait-ce de la nostalgie ?) je penche vers la déchirure, ressentant de façon précise, dans une appropriation quasi masochiste de la chose, l’écartèlement du soi, l'impossibilité de naviguer ou de se poser dans ce vaste champ d’étoiles. D’ailleurs quand je rouvre les yeux, bien des heures plus tard, c’est pour constater que ce n’est pas une lubie mais une ferme réalité que cette immensité déployée, si visible au regard lorsque les brumes se lèvent.
Par paresse, j’évite d’entrer dans un cycle de questionnements qui de toute façon resteront sans réponse, j’accomplis le geste vertigineux de basculer mon regard vers la petitesse du quotidien, bref je reviens à l’écran de ma tablette, à peine plus grande qu’un téléphone. Sur cette surface se réduit le monde, défilent mes amis, circulent les nouvelles intimes et générales.
Revenant machinalement sur des messages antérieurs, je tombe sur ceux de ma nièce en partance pour la Mongolie, avec 2 de mes amies.
J’aurais du être dans l’avion avec elle cette après midi, décoller en fin de journée, et à cette heure planer juste au dessus de ma tête, là dans le ciel étoilé…
Le rendez vous est manqué. « Avec Christian et toi en Mongolie intérieure ? » avait demandé Frédéric. Je n’ai pas compris si c’était une boutade ou non. Moi qui crois tellement à la notion de voyage en plein cœur , de continents intérieurs, mais comment expliquer cela ?
Ne même pas l’écrire, juste le rêver à voix haute, en songeant que les mots prononcés dans la nuit ébranleront peut-être quelque chose d’infime ici bas et qui sait par série d’échos et de miroitements jusque là haut où brillent tant de lumières de planètes mortes, déjà.
Pour l’heure je récite un long poème pareil à une prière esseulée dans la nuit, déroulant en moi tous les chemins de ma seule Mongolie intérieure…

© Hélène PHUNG CARNET SANS VOYAGE Nattages/ Mongolie intérieure
06 août 2014

Texte pour la lecture croisée de Chambery

Il est tant de cheminements intérieurs et autant peut -être de reliances au monde, de circuits mémoriels par lesquels construire un vent debout, un sens à être.

Je viens de tomber par hasard sur un échange entre Frédéric et Lois Oppenheim à propos d'un de ses manuscrits, commentaires en ligne sur FB : tous deux échangeant quelques souvenirs en viennent au moment de leur rencontre, à l'occasion d'un colloque Butor à Kingston en 1990 selon Frédéric, ce dont elle n'est pas si sûre... J'ai cultivé la mémoire des dates, pour ma part, et j'associe toujours un lieu à une date, et inversement, c'est le seul moyen de m'y retrouver dans le chaos géographique de mon existence, lui dit il. Et j'ai gardé une image photographique de la première fois que je t'avais vue et parlé, car je crois que tu dirigeais la séance où j'étais intervenu ( sur la correspondance de Butor): tu portais un tailleur à carreaux blancs et noirs, il me semble...Ayant affirmé cela, il cherche et trouve les actes du colloque qu'il met en ligne comme signe de preuve évidente.

Nous nous sommes donc rencontrés entre le 4 et le 6 octobre 1990, il y a 25 ans, 5 mois et 5 jours.

Réponse de Lois: Oui pour la publication. Non pour le tailleur, certainement pas. Tu n'as jamais porté de costume blanc et noir,? s'inquiète Frédéric. Non, jamais un tel costume... Alors peut -être gris suggère notre ami. Ma mémoire photographique me trompe parfois, avoue t-il. mais d'enchainer aussitôt: j'avais aussi rencontré Elinor Miller à Kingston, mais au deuxième colloque, en 1996 (pour les 70 ans de Butor). Nous sortions fumer sur le perron. Elle était habillée en bleu.

Cet échange est d'aujourd'hui 11 avril 2016 Il a débuté il y a  5 heures à Mexico, en direction de New York,( il est précisément 8h 39 en France donc compte tenu du décalage horaire etc...)

et concerne le Manuscrit du texte "Opus 133" ' voix sur la grande fugue de Ludwig van Beethoven pour la chorégraphie croisée d' Emmanuelle Vo-Dinh, créée à St Brieuc  en 2004 et Paris 2005.

Je cite moi aussi le maximum de références, afin que dans 25 ans , 5 mois, 5 jours nous gardions intact le souvenir de cet instant où j'aurais écrit ces lignes, et de celui où nous nous serons revus après une trentaine d'années, sans contact l'un de l'autre, Frédéric et moi, au cours d'une lecture croisée à Chambéry, avec le poète  Patrick Chemin. grâce à qui nous nous sommes retrouvés, comme quoi tous les chemins ramènent aux mémoires perdues. 

Juste pour la petite histoire: en ce moment même, je porte une tunique noire sur un pantalon à fleurs automnales, un léger vent d'est apporte par la baie vitrée entr'ouverte des senteurs à peine esquissées de forsythia en me^me temps que des chants d'oiseaux buissonniers.

Je voudrais aussi évoquer la couleur du ciel mais comment tout écrire, comment tout garder?. D'ailleurs il se pourrait bien que dans 25 ans notre mémoire aura doucement glissé vers des lieux sans nom où plus rien n'aura d' importance, puisque les jours et les heures s'y mêleront, et que  j'y porterai toujours la même éternelle robe, comment déjà, Frédéric?

Marron tu en sûr? 

 

11 avril 2016 Nattages

 

J'ai vraiment hâte de voir ce que tu vas écrire demain m'a dit Marie Hélène. En fait, comme bien souvent, je me jette sur mon téléphone portable les yeux encore froissés, et la tête vide pour tapoter du fin fond du lit quelques signes de vie. Juste histoire de dire. En fait, il s'agit avant tout d'emerger de la matiere par un cri comme le fait le nourisson dans sa première goulee d'air.
Mais ce matin je reste obnubilée par le souvenir de cette phase car je ne devine que... trop bien tout ce quˋ elle sous entend, et cette attente d'un compte rendu de la journée d'hier me paralyse.
Est on vraiment obligés de raconter? De coucher par écrit comme on dit. J'adore cette expression terriblement grivoise. Mais je crois que je préfère encore "passer sous silence".
Toute la maisonnée sommeille, le chat y compris. Par la lucarne j' entrevois le ciel de Paris moins dix minutes. Le lointain brouhaha des rues réchauffe lentement mes oreilles. Doucement je reviens à la vie au monde aux secrets. A la magie du corps. Aux riens qui se tissent autour d'un silence dont nous ne cesserions d'hériter minute apres minute. Minutieusement.
Je me sens dépositaire de ce lourd héritage. D'un Saint Graal qui pousserait sous nos pieds à la vitesse de nos pas et que nous ne saurions cueillir.
Je voudrais ralentir davantage encore ces longues minutes d'inertie , le corps emberlificote dans les draps, l'esprit dans un demi sommeil . Cet état second d' un monde pas encore rendu à lui- même, la promesse d'un Paris qui s'étire avant l'eveil : toutes ces micro secondes d'une prolongation inutilement delicieuse, délicieusement inutile.
Et tout le reste le passer sous silence...

Helene Phung "Carnet sans voyage "3 avril 2016

Ce que nous avons accompli là, est-ce réellement un voyage? Deux fois nous nous sommes arrêtés en chemin pour nous dégourdir les jambes, aller aux toilettes, boire un café .Moi comme d'habitude à la recherche d'un livre dans ces lieux improbables où de grandes orchidées sont peintes sur chacune des porte s des toilettes si bien que l'on y entre comme dans un jardin. Puis l'on se sèche les mains aux courants d'air électriques avant qu'un gobelet de capuccino à la noisette ne v...ienne finir de vous réconforter. De quoi? D'une longue peine indicible.De la douleur à peine avouée d 'avoir laissé une fois de plus derrière vous un je ne sais quoi qui soudain à 500 kms de distance vous paraît précieux. Bien sur il ne s'agit que dune myopie du coeur dont on ne guerira jamais. Alors en attendant ,dénicher au rayon papeterie , entre les cartes de France et les carnets de coloriage zen où sont dessinés des carpes kois et des lotus en noir et blanc ,à remplir de taches de couleurs crayonnees , le livre inattendu, celui qui occupera le temps mort.Pas trop de texte, de belles illustrations, le modèle même de livre d'images que l'on parcourera à la vitesse des arbres défilant le long des routes, dans un sentiment de beauté accomplie. De vrai voyage non déserté.
Ma bibliothèque est remplie d'ouvrages ainsi associés à un periple sans saveur ni souvenir dont il ne reste qu'un titre et un tas de feuilles reliés. J'aime leurs inconsistantes histoires épinglées à la mienne, alignées sur une étagère d'un lieu fixe perdu au milieu des étoiles des étés et des jardins sans fin, que rien ne viendrait bouleverser pas même le temps .
Carnet sans voyage Helene Phung 2 avril 2016 l'Hay les Roses

J'ai décidé de ne plus couper un centimètre de ma crinière de Viet mal coiffée. Je garde mes antennes pour l'au-delà, comme le faisaient les indiens d' Amérique et comme le font encore les sikhs que j'ai pu croiser en Inde du Nord ( "Ô mon âme, tu es l'incarnation de la lumière,Connais ton Essence "...etc...)

Mais une telle allégeance n'est pas sans problèmes d'ordre pratique: comment entretenir cette masse soyeuse sans qu'elle ne devienne pour autant un nid à oiseaux, comme... il advint, parait il, d'une nonne bouddhiste qui contrairement aux usages décida de ne pas se raser la tête ni de se couper les ongles, encore moins de laver sa tunique à grandes eaux, afin de garder sur son propre corps et dans ses vêtements des lieux de refuge naturels pour animaux transis.
Ce que je raconte allégrement à ma Luce, qui inspecte alors son corps potelé et les diverses poches de son manteau, afin de chercher tous les endroits et recoins où cacher pies, grenouilles et sauterelles, quel beau fantasme pour une fillette!

Bref, il s'agit tout de même de démeler ,de temps à autres, cette chevelure rebelle et une fois par semaine de la laver, de la racine , si proche du lieu clos des songes et des idées, jusqu'aux pointes extrêmes libres et volatiles, amies des grands vents.
Ce que je faisais hier dans ma baignoire, avec un shampooing oublié par une amie de mon fils lorsque je restais hallucinée par le nom du produit: " OLIVE MYTHIQUE" (je ne vous citerai pas la marque, mais vous la trouverez dans les rayonnages actuels de tout supermarché.)

Ayant détruit et dépossédé la nature , effacé tout sens au mot ' naturel" voilà qu'à bout de ressource, on dévaste et dévitalise le " surnaturel"! Il n'importe, comme je suis une squaw lettrée mais en même temps un rien perchée, j'ai décidé de prendre "à la lettre" le motif publicitaire.
Ayant enduit, frotté et lavé ma tignasse à " l'olive mythique", je me suis ensuite mise en état de méditation, et telle une sikh, j'ai récité comme un mantra: "Connaissant ton Essence, tu connais ton Seigneur,
Et tu connais le mystère de la naissance et de la mort.
O mon âme, tu es l'étincelle de la Suprême Lumière..."

Pas de doute: mes cheveux sont propres, lumineux...

© " Carnet sans voyage" Hélène Phung 27 février 2016

Faisant ce voyage en négatif, j'ai remonté jusqu'à la source incertaine d'un carnet qui trainait au fond d'un bagage. Je me suis souvenue de cette échoppe à Jaïpur où pendait un sac à dos en peau de chameau. Du même animal sans doute, m'étais-je dit, que celui qui était en train de boire à la fontaine, tenu en laisse par son maître. J'avais fini par acheter ce sac, malgré les réticences de mon ami (il est vrai que j'accumule sacs et carnets comme une maladive collectionneuse ...de peaux et d'écritures...)

Depuis longtemps, j'avais aboli toute notion de temps et d'espace, alors tout restait cohérent dans mon extraordinaire, bruyant dans mes silences.
Rien ne devait rester immobile . Tout devait se ruminer, se prier, s'écrire à la lueur d'une bougie dans un coin du monde où les coupures d'électricité remplissaient tout le temps, débordant parfois jusqu'à la vraie nuit.

Bref, au fond de ce sac, précisément trainait un vieux carnet griffonné d'une si seule et si droite écriture que je fus bien en peine d'y reconnaitre ma main, le souffle de mon propre corps dans ses immobiles partances.
Ce n'est qu'à la toute dernière ligne que je compris qu'il s'agissait de ce voyage là et de nul autre, que le tout avait été accompli et que j'en étais revenue. Ni plus lourde, ni plus légère. A peine différente, à peine plus âgée, toujours aussi perdue et heureuse de la précieuse liberté de s'égarer en soi-même, histoire de converser avec les morts et de tricher avec les vents.

Mais pourquoi écris-tu tout ça me demanda mon compagnon?
Ca a de moins en moins de sens, et même plus du tout à la longue.
C'est vrai? ai-je demandé, alors tant mieux, c'est que je suis enfin arrivée.

© Hélène PHUNG -CARNETS SANS VOYAGE - Janvier, Février 2016 Jaïpur (Inde) La Pierre ( Isère) Photo H Phung "Lumière du matin à Nattages en Février 2016".

Internet m'a manqué, ce lien constant avec le monde, cette façon sourde de se relier comme au placenta des autres lorsque l'on se déserte soi-même...
Et puis il a bien fallu respirer en dehors de ce circuit pour ne pas suffoquer. Le noyau a durci, ce noeud au fond de l'existence qui n'était rien que le lent et vertigineux déclic à soi-même. Là où tout est concentré: os, moëlle, peau, désir et mémoire.
En remontant encore, toucher au lieu d'avant l'écriture, d'avant même la p...arole, dans le silence existentiel.

Une pureté de neige comme sustance himalayenne pour tout poumon, pulsation inorganique, issue du mystère même de la fonction respiratoire. Chant cellulaire des étoiles.
Je suis née enfin de ce trouble, de cette buée que produit le vivant à la surface de son propre épiderme en contact avec la réalité minérale.

Autour de cela, c'est dehors qui commence.

© Hélène Phung "Carnet sans voyage" Février 2016 Notes sous le ciel étoilé de Nagarkot ,Népal - Nattages le 11fev. aux aurores

J'ai fait un autre voyage que celui que nous avions avorté en janvier 2015 parce que tu réalisais le tien, le dernier; c'est même moi qui ai supplié le ciel de t'emporter pendant que tu trouvais encore la force de sourire et de te projeter dans un improbable appartement de Gr...enoble où des potes t'auraient aidé à guérir. Je leur ai volontiers cédé la place tant tes amies s'appelaient Fleur et Myrtille, portaient du rouge cerise, aux lèvres et dans leurs barettes à cheveux, tandis qu'elles te remontaient des coussins, tant les garçons me regardaient droit dans les yeux en me disant que tout allait continuer parce -que la vie ne pouvait pas s'arrêter là, tandis qu'ils te nourrissaient à la becquée.

J'ai fait ce voyage non pas pour oublier mais bien pour raviver la vie une fois de plus.

Nous avons frôlé l' Himalaya, tourné en rond dans des villages où ne restaient qu'amoncellements de briques et quelques vieux assis au soleil timide du printemps, tandis qu'une école surgie d'on ne savait où bruissait de bourdonnements d'enfants.
Nous avons vacillé à la longue secousse d'un tremblement de terre de force 5,5 sur l' echelle de Richter, à 10 kms de profondeur, dont l'épicentre se trouvait à 35 kms seulement de Baktapur où nous étions, et aux répliques suivantes s' affaiblissant dans la nuit jusqu'à épouser le rythme d' un lent bercement. Alors nous avons fini par rentrer dans la maison pour nous coucher en son sein comme des foetus à tout jamais confiants.
Même les scientifiques ne peuvent prédire quand ça arrivera, ils donnent juste la mesure du séisme lorqu'il est passé.
Comme quoi nul n'est visionnaire hors du coeur.

Ce jour là, dans les rues mon regard a croisé celui d'une jeune mère prise dans l'intimité d'un geste d'amour.
J'ai volé cette image car je me suis senti le droit de me glisser dans cet interstice une fraction de seconde seulement.
Le temps d'un voyage encore...

Népal Février 2016 © Hélène PHUNG Carnet sans voyage

Car la beauté, il faut aller la chercher, surtout où elle n'est pas: il reste toujours une faille au milieu de toute désolation, une brèche dans le néant où quelque chose s'engouffre.
Il est des lieux où elle a si longtemps attendu que la crasse l'a recouverte. Des poignées d'or dissimulées sous des carapaces de noirceur: fumées d'encens à la poussière mélées, une chèvre fragile bêlant sans voix au milieu des décombres d'un tremblement de terre, une femme assise sur un to...it ,le visage résolument tendu vers l'est.
Poussant les portes, j'ai trouvé des temples d'or avec un oiseau s'envolant de chaque angle de toiture vers les 4 directions, tandis que mon coeur s'ouvrait par le milieu, et se dégustait comme une mangue trop mûre par les dieux des vents.
Il faut être soi même d'air et de souffle pour être emporté.
Je ne suis pas assez déliée encore, trop de désir et ce "shen" accroché à la pesanteur d' être...
Le bêlement est resté coincé dans la gorge des chèvres, et le cri dans les yeux des enfants, onze mois plus tard encore, et la douleur de mon fils envolé, tout est resté muet. Je mesure l'onde de choc de tant de silences percutés.
La femme là -haut , sur le toit d'une maison de Panauti, ne cesse de tendre le cou vers l'arrivée d'un improbable evènement, l'imminence d'un amour, que sais-je? Sa posture immobile, si digne, ce regard tendu au-delà de tout.
Comme si rien ne pouvait advenir que du côté du ciel, aimanté par sa seule attente.
Quelque chose de moi la rejoint, se drapant sous le même foulard, se fondant dans ses yeux. La plus grande partie de ce qui me reste.

L'avion survolera les Himalayas, je rentrerai delestée.

Kathmandu Février 2016 © Hélène PHUNG 'Carnets sans voyage"

Varanasi au fil du Gange. ..Ce soir nous avons longé les côtes où brûlent les corps dont les âmes se sont envolées avec les grands oiseaux du fleuve couleur de cendre et de prières .Mes lumignons de fleurs ont vogué dans le noir d'une eau de lune. Quelque part tout se rejoint. Nul besoin de parler, me dit le rameur de la barque, dans un si mauvais anglais que ne suis pas sûre que Dieu l' ait entendu. Tout de même pour la peine on lui a donné 300 roupies .
"Carnet sans voyage ".Vanarasi.21 janvier 2016 H Phung

 

J'ai décidé de ne plus couper un centimètre de ma crinière de Viet mal coiffée. Je garde mes antennes pour l'au-delà, comme le faisaient les indiens d' Amérique et comme le font encore les sikhs que j'ai pu croiser en Inde du Nord ( "Ô mon âme, tu es l'incarnation de la lumière,Connais ton Essence "...etc...)

Mais une telle allégeance n'est pas sans problèmes d'ordre pratique: comment entretenir... cette masse soyeuse sans qu'elle ne devienne pour autant un nid à oiseaux, comme il advint, parait il, d'une nonne bouddhiste qui contrairement aux usages décida de ne pas se raser la tête ni de se couper les ongles, encore moins de laver sa tunique à grandes eaux, afin de garder sur son propre corps et dans ses vêtements des lieux de refuge naturels pour animaux transis.
Ce que je raconte allégrement à ma Luce, qui inspecte alors son corps potelé et les diverses poches de son manteau, afin de chercher tous les endroits et recoins où cacher pies, grenouilles et sauterelles, quel beau fantasme pour une fillette!

Bref, il s'agit tout de même de démeler ,de temps à autres, cette chevelure rebelle et une fois par semaine de la laver, de la racine , si proche du lieu clos des songes et des idées, jusqu'aux pointes extrêmes libres et volatiles, amies des grands vents.
Ce que je faisais hier dans ma baignoire, avec un shampooing oublié par une amie de mon fils lorsque je restais hallucinée par le nom du produit: " OLIVE MYTHIQUE" (je ne vous citerai pas la marque, mais vous la trouverez dans les rayonnages actuels de tout supermarché.)

Ayant détruit et dépossédé la nature , effacé tout sens au mot ' naturel" voilà qu'à bout de ressource, on dévaste et dévitalise le " surnaturel"!

Il n'importe, comme je suis une squaw lettrée mais en même temps un rien perchée, j'ai décidé de prendre "à la lettre" le motif publicitaire.
Ayant enduit, frotté et lavé ma tignasse à " l'olive mythique", je me suis ensuite mise en état de méditation, et telle une sikh, j'ai récité comme un mantra: "Connaissant ton Essence, tu connais ton Seigneur,
Et tu connais le mystère de la naissance et de la mort.
O mon âme, tu es l'étincelle de la Suprême Lumière..."

Pas de doute: mes cheveux sont propres, lumineux...

© " Carnet sans voyage" Hélène Phung 27 février 2016

 


Faisant ce voyage en négatif, j'ai remonté jusqu'à la source incertaine d'un carnet qui trainait au fond d'un bagage. Je me suis souvenue de cette échoppe à Jaïpur où pendait un sac à dos en peau de chameau. Du même animal sans doute, m'étais-je dit, que celui qui était en train de boire à la fontaine, tenu en laisse par son maître. J'avais fini par acheter ce sac, malgré les réticences de mon ami (il est vrai que j'accumule sacs et carnets comme une maladive collectionneuse de peaux et d'écritures...) Depuis longtemps, j'avais aboli toute notion de temps et d'espace, alors tout restait cohérent dans mon extraordinaire, bruyant dans mes silences. Rien ne devait rester immobile . Tout devait se ruminer, se prier, s'écrire à la lueur d'une bougie dans un coin du monde où les coupures d'électricité remplissaient tout le temps, débordant parfois jusqu'à la vraie nuit. Bref, au fond de ce sac, précisément trainait un vieux carnet griffonné d'une si seule et si droite écriture que je fus bien en peine d'y reconnaitre ma main, le souffle de mon propre corps dans ses immobiles partances. Ce n'est qu'à la toute dernière ligne que je compris qu'il s'agissait de ce voyage là et de nul autre, que le tout avait été accompli et que j'en étais revenue. Ni plus lourde, ni plus légère. A peine différente, à peine plus âgée, toujours aussi perdue et heureuse de la précieuse liberté de s'égarer en soi-même, histoire de converser avec les morts et de tricher avec les vents. Mais pourquoi écris-tu tout ça me demanda mon compagnon? Ca a de moins en moins de sens, et même plus du tout à la longue. C'est vrai? ai-je demandé, alors tant mieux, c'est que je suis enfin arrivée. © Hélène PHUNG -CARNETS SANS VOYAGE - Janvier, Février 2016 Jaïpur (Inde) La Pierre ( Isère) Photo H Phung "Lumière du matin à Nattages en Février 2016".
Faisant ce voyage en négatif, j'ai remonté jusqu'à la source incertaine d'un carnet qui trainait au fond d'un bagage. Je me suis souvenue de cette échoppe à Jaïpur où pendait un sac à dos en peau de chameau. Du même animal sans doute, m'étais-je dit, que celui qui était en train de boire à la fontaine, tenu en laisse par son maître. J'avais fini par acheter ce sac, malgré les réticences de mon ami... (il est vrai que j'accumule sacs et carnets comme une maladive collectionneuse de peaux et d'écritures...)

Depuis longtemps, j'avais aboli toute notion de temps et d'espace, alors tout restait cohérent dans mon extraordinaire, bruyant dans mes silences.
Rien ne devait rester immobile . Tout devait se ruminer, se prier, s'écrire à la lueur d'une bougie dans un coin du monde où les coupures d'électricité remplissaient tout le temps, débordant parfois jusqu'à la vraie nuit.

Bref, au fond de ce sac, précisément trainait un vieux carnet griffonné d'une si seule et si droite écriture que je fus bien en peine d'y reconnaitre ma main, le souffle de mon propre corps dans ses immobiles partances.
Ce n'est qu'à la toute dernière ligne que je compris qu'il s'agissait de ce voyage là et de nul autre, que le tout avait été accompli et que j'en étais revenue. Ni plus lourde, ni plus légère. A peine différente, à peine plus âgée, toujours aussi perdue et heureuse de la précieuse liberté de s'égarer en soi-même, histoire de converser avec les morts et de tricher avec les vents.

Mais pourquoi écris-tu tout ça me demanda mon compagnon?
Ca a de moins en moins de sens, et même plus du tout à la longue.
C'est vrai? ai-je demandé, alors tant mieux, c'est que je suis enfin arrivée.

© Hélène PHUNG -CARNETS SANS VOYAGE - Janvier, Février 2016 Jaïpur (Inde) La Pierre ( Isère

Internet m'a manqué, ce lien constant avec le monde, cette façon sourde de se relier comme au placenta des autres lorsque l'on se déserte soi-même...
Et puis il a bien fallu respirer en dehors de ce circuit pour ne pas suffoquer. Le noyau a durci, ce noeud au fond de l'existence qui n'était rien que le lent et vertigineux déclic à soi-même. Là où tout est concentré: os, moëlle, peau, désir et mém...oire.
En remontant encore, toucher au lieu d'avant l'écriture, d'avant même la parole, dans le silence existentiel.

Une pureté de neige comme sustance himalayenne pour tout poumon, pulsation inorganique, issue du mystère même de la fonction respiratoire. Chant cellulaire des étoiles.
Je suis née enfin de ce trouble, de cette buée que produit le vivant à la surface de son propre épiderme en contact avec la réalité minérale.

Autour de cela, c'est dehors qui commence.

© Hélène Phung "Carnet sans voyage" Février 2016 Notes sous le ciel étoilé de Nagarkot ,Népal - Nattages le 11fev. aux aurores

J'ai fait le voyage que tu n'as pas fait quand tu avais vingt ans et une amie que tu as laissé partir au Népal alors que ton coeur te hurlait de la suivre.

J'ai fait un autre voyage que celui que nous avions avorté en janvier 2015 parce que tu réalisais le tien, le dernier; c'est même moi qui ai supplié le ciel de t'emporter pendant que tu trouvais ...encore la force de sourire et de te projeter dans un improbable appartement de Grenoble où des potes t'auraient aidé à guérir. Je leur ai volontiers cédé la place tant tes amies s'appelaient Fleur et Myrtille, portaient du rouge cerise, aux lèvres et dans leurs barettes à cheveux, tandis qu'elles te remontaient des coussins, tant les garçons me regardaient droit dans les yeux en me disant que tout allait continuer parce -que la vie ne pouvait pas s'arrêter là, tandis qu'ils te nourrissaient à la becquée.

J'ai fait ce voyage non pas pour oublier mais bien pour raviver la vie une fois de plus.

Nous avons frôlé l' Himalaya, tourné en rond dans des villages où ne restaient qu'amoncellements de briques et quelques vieux assis au soleil timide du printemps, tandis qu'une école surgie d'on ne savait où bruissait de bourdonnements d'enfants.
Nous avons vacillé à la longue secousse d'un tremblement de terre de force 5,5 sur l' echelle de Richter, à 10 kms de profondeur, dont l'épicentre se trouvait à 35 kms seulement de Baktapur où nous étions, et aux répliques suivantes s' affaiblissant dans la nuit jusqu'à épouser le rythme d' un lent bercement. Alors nous avons fini par rentrer dans la maison pour nous coucher en son sein comme des foetus à tout jamais confiants.
Même les scientifiques ne peuvent prédire quand ça arrivera, ils donnent juste la mesure du séisme lorqu'il est passé.
Comme quoi nul n'est visionnaire hors du coeur.

Ce jour là, dans les rues mon regard a croisé celui d'une jeune mère prise dans l'intimité d'un geste d'amour.
J'ai volé cette image car je me suis senti le droit de me glisser dans cet interstice une fraction de seconde seulement.
Le temps d'un voyage encore...

Népal Février 2016 © Hélène PHUNG Carnet sans voyage

CARNET SANS VOYAGE Février 2016 Népal © HP J'ai fait le voyage que tu n'as pas fait quand tu avais vingt ans et une amie que tu as laissé partir au Népal alors que ton coeur te hurlait de la suivre. J'ai fait un autre voyage que celui que nous avions avorté en janvier 2015 parce que tu réalisais le tien, le dernier; c'est même moi qui ai supplié le ciel de t'emporter pendant que tu trouvais encore la force de sourire et de te projeter dans un improbable appartement de Grenoble où des potes t'auraient aidé à guérir. Je leur ai volontiers cédé la place tant tes amies s'appelaient Fleur et Myrtille, portaient du rouge cerise, aux lèvres et dans leurs barettes à cheveux, tandis qu'elles te remontaient des coussins, tant les garçons me regardaient droit dans les yeux en me disant que tout allait continuer parce -que la vie ne pouvait pas s'arrêter là, tandis qu'ils te nourrissaient à la becquée. J'ai fait ce voyage non pas pour oublier mais bien pour raviver la vie une fois de plus. Nous avons frôlé l' Himalaya, tourné en rond dans des villages où ne restaient qu'amoncellements de briques et quelques vieux assis au soleil timide du printemps, tandis qu'une école surgie d'on ne savait où bruissait de bourdonnements d'enfants. Nous avons vacillé à la longue secousse d'un tremblement de terre de force 5,5 sur l' echelle de Richter, à 10 kms de profondeur, dont l'épicentre se trouvait à 35 kms seulement de Baktapur où nous étions, et aux répliques suivantes s' affaiblissant dans la nuit jusqu'à épouser le rythme d' un lent bercement. Alors nous avons fini par rentrer dans la maison pour nous coucher en son sein comme des foetus à tout jamais confiants. Même les scientifiques ne peuvent prédire quand ça arrivera, ils donnent juste la mesure du séisme lorqu'il est passé. Comme quoi nul n'est visionnaire hors du coeur. Ce jour là, dans les rues mon regard a croisé celui d'une jeune mère prise dans l'intimité d'un geste d'amour. J'ai volé cette image car je me suis senti le droit de me glisser dans cet interstice une fraction de seconde seulement. Le temps d'un voyage encore... Népal Février 2016 © Hélène PHUNG Carnet sans voyage
CARNET SANS VOYAGE Février 2016 Népal © HP
J'ai fait le voyage que tu n'as pas fait quand tu avais vingt ans et une amie que tu as laissé partir au Népal alors que ton coeur te hurlait de la suivre.

J'ai fait un autre voyage que celui que nous avions avorté en janvier 2015 parce que tu réalisais le tien, le dernier; c'est même moi qui ai supplié le ciel de t'emporter pendant que tu trouvais ...encore la force de sourire et de te projeter dans un improbable appartement de Grenoble où des potes t'auraient aidé à guérir. Je leur ai volontiers cédé la place tant tes amies s'appelaient Fleur et Myrtille, portaient du rouge cerise, aux lèvres et dans leurs barettes à cheveux, tandis qu'elles te remontaient des coussins, tant les garçons me regardaient droit dans les yeux en me disant que tout allait continuer parce -que la vie ne pouvait pas s'arrêter là, tandis qu'ils te nourrissaient à la becquée.

J'ai fait ce voyage non pas pour oublier mais bien pour raviver la vie une fois de plus.

Nous avons frôlé l' Himalaya, tourné en rond dans des villages où ne restaient qu'amoncellements de briques et quelques vieux assis au soleil timide du printemps, tandis qu'une école surgie d'on ne savait où bruissait de bourdonnements d'enfants.
Nous avons vacillé à la longue secousse d'un tremblement de terre de force 5,5 sur l' echelle de Richter, à 10 kms de profondeur, dont l'épicentre se trouvait à 35 kms seulement de Baktapur où nous étions, et aux répliques suivantes s' affaiblissant dans la nuit jusqu'à épouser le rythme d' un lent bercement. Alors nous avons fini par rentrer dans la maison pour nous coucher en son sein comme des foetus à tout jamais confiants.
Même les scientifiques ne peuvent prédire quand ça arrivera, ils donnent juste la mesure du séisme lorqu'il est passé.
Comme quoi nul n'est visionnaire hors du coeur.

Ce jour là, dans les rues mon regard a croisé celui d'une jeune mère prise dans l'intimité d'un geste d'amour.
J'ai volé cette image car je me suis senti le droit de me glisser dans cet interstice une fraction de seconde seulement.
Le temps d'un voyage encore...

Népal Février 2016 © Hélène PHUNG Carnet sans voyage

 

Car la beauté, il faut aller la chercher, surtout où elle n'est pas: il reste toujours une faille au milieu de toute désolation, une brèche dans le néant où quelque chose s'engouffre....
Il est des lieux où elle a si longtemps attendu que la crasse l'a recouverte. Des poignées en or dissimulées sous des carapaces de noirceur: fumées d'encens à la poussière mélées, une chèvre fragile bêlant sans voix au milieu des décombres d'un tremblement de terre, une femme assise sur un toit ,le visage résolument tendu vers l'est.
Poussant les portes, j'ai trouvé des temples d'or avec un oiseau s'envolant de chaque angle de toiture vers les 4 directions, tandis que mon coeur s'ouvrait par le milieu, et se dégustait comme une mangue trop mûre par les dieux des vents.
Il faut être soi même d'air et de souffle pour être emporté.
Je ne suis pas assez déliée encore, trop de désir et ce "shen" accroché à la pesanteur d' être...
Le bêlement est resté coincé dans la gorge des chèvres, et le cri dans les yeux des enfants, onze mois plus tard encore, et la douleur de mon fils envolé, tout est resté muet. Je mesure l'onde de choc de tant de silences percutés.
La femme là -haut , sur le toit d'une maison de Panauti, ne cesse de tendre le cou vers l'arrivée d'un improbable evènement, l'imminence d'un amour, que sais-je? Sa posture immobile, si digne, ce regard tendu au-delà de tout.
Comme si rien ne pouvait advenir que du côté du ciel, aimanté par sa seule attente.
Quelque chose de moi la rejoint, se drapant sous le même foulard, se fondant dans ses yeux. La plus grande partie de ce qui me reste.

L'avion survolera les Himalayas, je rentrerai delestée"
Posté le 09 février sur FB

 
Varanasi au fil du Gange. ..Ce soir nous avons longé les côtes où brûlent les corps dont les âmes se sont envolées avec les grands oiseaux du fleuve couleur de cendre et de prières .Mes lumignons de fleurs ont vogué dans le noir d'une eau de lune. Quelque part tout se rejoint. Nul besoin de parler, me dit le rameur de la barque, dans un si mauvais anglais que ne suis pas sûre que Dieu l' ait entendu. Tout de même pour la peine on lui a donné 300 roupies .
"Carnet sans voyage ".Vanarasi.21 janvier 2016 H Phung

 

Namaste moins un. J'enlève, j'épure. Moins de poids dans les bagages, moins de mots dans la tête, de maux alentour. Se laver l'intérieur à grandes eaux, l'extérieur à force de prières, le mantra des païens ou comment se purifier avant de partir.
L' Inde ne m'attend pas, je serai juste une fourmi de plus dans New Dehli, une passante sur les bords du Gange.Delhi Vârânasî Jaipur. Trains de nuit et ...vols intérieurs. Au pied de la lettre ce serait: envolées intérieures comme je le fais sous mon crâne en dormant et parfois même les yeux ouverts dans de micro secondes de transe. Etat para normal, vivre de l'autre côté.
Les yogis et les sages, les fous de Dieu et ceux qui ont tellement abandonné le terrestre qu'ils se consument sans brûler, marchent sur les braises et les clous sans qu'aucune matière ne les traverse.
Vol à l'intérieur de mon corps, destination oubliée. Nul atterrissage, jamais.
Katmandu,Patan, Chitwan et Nagarkhot, je voudrais les voir d'en haut.
Eternellement.

18 janvier 2016 " Carnet sans voyage" © Hélène PHUNG

 

L'avantage de partir c'est de s'alléger... Nous aurons tout avec nous, tout le temps, alors il s'agit de choisir l'indispensable.
Je me souviens de ce temps où Gaël et sa compagne alors âgés de 18 ans ressemblaient à de gros escargots, avec leur bazard gréffé sur le dos: linge, livres, tente. A l'intérieur la chair, les tripes, le rêve, à l'extérieur la matière. De quoi survivre dans le monde des... hommes, si terrestre. Plus une ou deux chansons dans la tête, ça ne tient pas de place et ça peut toujours alléger lorsqu'on marche.

Il a toujours voulu le soft, l'aérien, mon saltiimbanque de fils. Aller sur un fil. Ne même pas planter la graine. Ils ont voltigé, ensemble, séparément.
Je me souviens des deux ou trois fois où la corde s'était cassée si fort qu'il m'avait fallu le consoler au bout du fil.
Un grand garçon en sanglots, ça vous fend le coeur. Alors que dire, sinon, comme lorsqu'il était enfant et qu'il tombait de la balançoire: remonte, mon fils, courage. Le ciel est au bout.

A chaque fois il est reparti, et je me souviens de tant d'éclats de voix, de rires.
Ce matin j'ai failli bifurquer vers le cimetière mais je me suis dit que c'était ridicule, vraiment.
Mon compagnon s'est occupé de tout. Je ne suis jamais retournée vers le trou sans fond où dorment les os. Toujours lorsque je songe à lui c'est le ciel qui m'attire et non la force gravide.

Voilà pourquoi il est si facile pour moi de parcourir la terre, d'aller au Népal, près de l'Himalaya.
Le ciel ne se partage jamais aussi bien qu'au bout du monde, du voyage. A l'intérieur la chair fragile, marquée, ridée, le coeur à bout de souffle. Sur le pourtour la carapace de toile et de plastique. Mais je crois bien, même si Décathlon n'a rien certifé en ce sens, que les corps éthériques débordent de la matière, transfusent à travers les polaires, les coques de protection des sacs et autres liens en bandoulières.
Que l'amour se déplace à la vitesse de la lumière. Chaque oiseau en vol tracera des signes et nos propres pas sur le sol seront autant d'écritures lisibles de loin et de toujours...

© Hélène Phung " De terre & d'encre "12 Janvier 2016
A demi endormie dans la baignoire ,je me suis soudain réveillée , secouée par le sursaut de mes jambes. Contraction spasmodique de colonne vertébrale comme lorsque quelque chose en soi résiste au moment de l'abandon.
A deux doigts de faire naufrage dans le plus voluptueux des sommeils. L'eau entre temps s'était un peu refroidie. J'ai contemplé avec un léger dégoût la mousse en décomposition, ...le livre ouvert, un rien dégoulinant, retourné sur le tabouret.
J'ai appelé mon compagnon: quel jour sommes nous?
Le même que tout à l'heure a-t-il répondu, à travers la porte, pourquoi?

Tout le reste de l'après midi est resté dans l'humidité existentielle de cette interrogation . Dehors, les pluies hivernales de cette étrange saison où les pommiers du Japon en fleurs, déracinés de leurs lieux d'origine doivent de surcroît résoudre le mystère des tropismes désaxés. Plus rien n'est simple.
Je crois que même les plantes se posent des questions.
On peut juste décider de se noyer dans l'alcool, dans sa baignoire ou dans la poésie.

J'ai opté pour un mélange détonnant de lecture amniotique, et le résultat ne s'est pas fait attendre.
Tout un pan de poésie indienne a failli couler avec moi: Ah les amours de Parvati, sous la plume sanscrite de Kalisada!
" Astyuttarasyaam dishi..."
J'aurais emmené avec moi ces mots magiques, dans la grande glissade vers l'au-delà, si j'avais bu le bouillon.
Mais non, mon cœur est bien trop sec encore, et mes yeux ont tari...

Heureusement qu'un long voyage nous attend, en Inde du Nord justement, immersion totale dans les grandes eaux divines.
Se mouiller le corps dans le Gange pour se purifier ensuite l'esprit au vent des " Himas Alaya". Ou bien l'inverse.
Peu importe.
Des fois, on devrait tout liquider et partir, comme le dit si bien mon compagnon qui lui se fout toujours de tout, même de vivre...
© Hélène PHUNG " De Terre & d' Encre" 09 Janvier 2016.

Nous voilà revenus de Rouen. Arrivés en fin de journée hier. Pas eu le temps encore de décharger la voiture. Pendant tout le voyage j’ai tricoté, plié des origamis, un peu lu … Je n’arrive plus à accrocher mon regard sur les paysages en laissant défiler mes rêveries, comme autrefois. L’obsession de l’absence m’habite. ...Tout me ramène sans cesse à cela, à ce qui était, à ce qui n’est plus.

Juste avant notre départ, Cléa est passée à l’improviste, tard dans le soir, légère déviation de sa route pour Bern. Elle est venue me surprendre dans ma chambre alors que j’étais en train de téléphoner. Tout à coup, je me suis vue par ses yeux : désœuvrée, et même un peu misérable, les cheveux en bataille grossièrement attachés dans le dos, nageant dans un pantalon trop large, pieds nus sur le plancher, les mains crispées sur le mobile. Elle a dit « Tu as bonne mine » sans vraiment y croire, à cause du teint hâlé en surface, acquis d’un voyage tout récent en Sardaigne.
Nous avons discuté jusque tard dans la nuit, elle n’a pas voulu rester, à la fin j’ai du la mettre à la porte pour qu’elle ne rentre pas à des heures indues chez elle. On a parlé de tout et de rien, de lui beaucoup. Nous nous sommes aperçues que nous étions exactement dans le même mal-être depuis une dizaine de jours : à côté de soi, en léger décalage avec la vie, tout le temps. En ce moment il me faut quelques secondes pour répondre à une question simple, je n’accroche pas immédiatement à la réalité : c’est dans cet entre-deux que son image persiste, comme une ombre rétinienne restée au fond de l’âme. Elle me dit qu’elle ressent la même chose.
On se ressemble beaucoup toutes les deux, sauf qu’à son âge je n’étais pas du tout comme ça, beaucoup plus innocente. La nouvelle génération vieillit- elle aussi rapidement ? Je m’étais posé la même question du temps du vivant de Gaël. Comment peut-on aller aussi vite, au point que le bout de votre vie vous rattrape et vous emporte, alors que vos rêves ne sont pas achevés ?

« Moi, il faut que je parte » me dit encore Cléa. « Cet automne, début 2016 au plus tard je serai en Guyane, je veux aller à Kourou voir décoller les fusées, ça a toujours été mon rêve. Entre temps, je serai au mariage de ma cousine en Israël…Et toi ? »
Je lui parle alors de ce voyage au Cambodge qu’on a annulé en janvier, elle sait…
Et m'avoue qu’elle aurait du être à Katmandou au moment du terrible séisme, avec son amie d’enfance, elles se sont désistées au dernier moment. En fait de voyage manqué, nous évoquons alors ce mois d’août en Mongolie que nous n’avions pas partagé car quelque chose m’avait retenue, d’imprécis, je ne sais quoi.
Juste avant son départ dans un sentiment de léger regret je lui avais annoncé :
« Je sens que tu vas me ramener quelque chose, un objet sans valeur mais d’une grande importance ». Elle m’avait offert une plume d’aigle à son retour. Cléa me redit cela avec un sourire, qu’elle savait que l’écriture allait me rependre, elle est un peu devin sur les bords, comme moi…
Voilà, je l’ai poussée un peu hors de mon cœur et de ma porte, afin qu’elle accomplisse tous ses voyages, d’une étoile à l’autre. Moi je suis rentrée me coucher en me disant que j’aurais aussi de la route à faire d'ici quelques heures jusqu’à Rouen où j’irais conter le Japon avant de m’en retourner.
Aujourd’hui je songe à ce que je dois emporter sur Lyon pour un autre spectacle, demain. D’ici là bien d’autres aller- retour et d’innombrables immobilités m’attendent…
© H PHUNG Feuillet du 28 Mai 2015 Nattages

MON CONTE de NOËL
Je viens de recevoir mes premier vœux pour 2015. C'est monsieur Lê Cong de Hué qui me les adresse par mail depuis le Vietnam. Je l'avais rencontré près du Fleuve des parfums en février 2013, il poussait un vélo et j’ai tout de suite pensé au grand -père que je n’ai jamais connu, bien qu’il fût jeune encore. Son allure d’humble lettré, je suppose…
Il s’est arrêté m’a lu des poè...mes de sa composition en vietnamien, en anglais et en français. Il vendait sa poésie feuille à feuille, je lui ai acheté un beau texte de lune, pareille à celle si ronde qui nous souriait depuis ses reflets colorés jaillis du pont Eiffel tout illuminé.
De la sacoche de son vélo il a extirpé « Le Petit Prince » dont il m’a cité quelques extraits en soupirant : « Je ne le quitte jamais, lorsque je désespère de la race humaine et du monde qui ne tourne plus rond, j’en lis un passage à haute voix et cela me redonne espoir ».
Nous avons échangé nos adresses mail.
Une fois par an, le Petit Prince m’écrit… cette fois ci c’est pour noël.
© Hélène PHUNG « Carnet sans voyage » 24 décembre 2014

Nous voilà revenus de Rouen. Arrivés en fin de journée hier. Pas eu le temps encore de décharger la voiture. Pendant tout le voyage j’ai tricoté, plié des origamis, un peu lu … Je n’arrive plus à accrocher mon regard sur les paysages en laissant défiler mes rêveries, comme autrefois. L’obsession de l’absence m’habite. ...Tout me ramène sans cesse à cela, à ce qui était, à ce qui n’est plus.

Juste avant notre départ, Cléa est passée à l’improviste, tard dans le soir, légère déviation de sa route pour Bern. Elle est venue me surprendre dans ma chambre alors que j’étais en train de téléphoner. Tout à coup, je me suis vue par ses yeux : désœuvrée, et même un peu misérable, les cheveux en bataille grossièrement attachés dans le dos, nageant dans un pantalon trop large, pieds nus sur le plancher, les mains crispées sur le mobile. Elle a dit « Tu as bonne mine » sans vraiment y croire, à cause du teint hâlé en surface, acquis d’un voyage tout récent en Sardaigne.
Nous avons discuté jusque tard dans la nuit, elle n’a pas voulu rester, à la fin j’ai du la mettre à la porte pour qu’elle ne rentre pas à des heures indues chez elle. On a parlé de tout et de rien, de lui beaucoup. Nous nous sommes aperçues que nous étions exactement dans le même mal-être depuis une dizaine de jours : à côté de soi, en léger décalage avec la vie, tout le temps. En ce moment il me faut quelques secondes pour répondre à une question simple, je n’accroche pas immédiatement à la réalité : c’est dans cet entre-deux que son image persiste, comme une ombre rétinienne restée au fond de l’âme. Elle me dit qu’elle ressent la même chose.
On se ressemble beaucoup toutes les deux, sauf qu’à son âge je n’étais pas du tout comme ça, beaucoup plus innocente. La nouvelle génération vieillit- elle aussi rapidement ? Je m’étais posé la même question du temps du vivant de Gaël. Comment peut-on aller aussi vite, au point que le bout de votre vie vous rattrape et vous emporte, alors que vos rêves ne sont pas achevés ?

« Moi, il faut que je parte » me dit encore Cléa. « Cet automne, début 2016 au plus tard je serai en Guyane, je veux aller à Kourou voir décoller les fusées, ça a toujours été mon rêve. Entre temps, je serai au mariage de ma cousine en Israël…Et toi ? »
Je lui parle alors de ce voyage au Cambodge qu’on a annulé en janvier, elle sait…
Et m'avoue qu’elle aurait du être à Katmandou au moment du terrible séisme, avec son amie d’enfance, elles se sont désistées au dernier moment. En fait de voyage manqué, nous évoquons alors ce mois d’août en Mongolie que nous n’avions pas partagé car quelque chose m’avait retenue, d’imprécis, je ne sais quoi.
Juste avant son départ dans un sentiment de léger regret je lui avais annoncé :
« Je sens que tu vas me ramener quelque chose, un objet sans valeur mais d’une grande importance ». Elle m’avait offert une plume d’aigle à son retour. Cléa me redit cela avec un sourire, qu’elle savait que l’écriture allait me rependre, elle est un peu devin sur les bords, comme moi…
Voilà, je l’ai poussée un peu hors de mon cœur et de ma porte, afin qu’elle accomplisse tous ses voyages, d’une étoile à l’autre. Moi je suis rentrée me coucher en me disant que j’aurais aussi de la route à faire d'ici quelques heures jusqu’à Rouen où j’irais conter le Japon avant de m’en retourner.
Aujourd’hui je songe à ce que je dois emporter sur Lyon pour un autre spectacle, demain. D’ici là bien d’autres aller- retour et d’innombrables immobilités m’attendent…
© H PHUNG Feuillet du 28 Mai 2015 Nattages

Carnet sans voyage Mai 2015- ( GOLFO di ORESEI)

Le jour se lève sur la mer calme, rien n’est agité que mon esprit. Je guette depuis longtemps cette aube marine et là voilà qui s’étend, remplit mes yeux et mes veines de sa longue coulée, d’air frais. Sous son emprise, j’attends ma dose de lumière et lorsqu’elle irradie enfin, perfusant mon corps de sa céleste nourriture, la tension nocturne s’ap...aise, mon esprit se remet en marche comme un automate. Je me sais . Je me rhabille de moi.
Et me voici vivante sur le pont du ferry qui lentement depuis Livourne me conduit à Golfo Aranchi.
Il faut 10 heures de mer pour atteindre la côte Nord- Ouest de la Sardaigne, après 8 heures de routes de montagne, en passant par le col du Mont Cenis qui ne rouvre qu’ après que les pluies de début mai aient fait fondre les neiges ; col désencombré où les marmottes ont sifflé notre passage comme à travers un message codé. En passant par le tunnel on aurait pu gagner une heure de temps, mais on a préféré le perdre dans les sommets entre pics enneigés et vent frais aux odeurs âcres de sapins gorgés de sève nouvelle.
Le temps, je ne veux pas l’ensevelir, mais au contraire qu’il éclose dans mes cellules, gangrène mes sens, envahisse tous nos territoires, je voudrais mourir d’un cancer du temps…
Me voici enfin à Porta Cervo de la Costa Smeralda où nous avons trempé nos pieds fatigués dans l’eau froide de la mer tyrrhénienne. Un an plus tôt je faisais de même dans les Maures, je me revois me rafraîchissant les jambes dans une eau claire après avoir marché des heures au milieu d’une végétation méditerranéenne ayant atteint le même degré de floraison qu’ici en cette époque de l’année: printemps fleuri de cistes blanches et mauves, de lavandes papillon, de genêts et de blanches asphodèles…
Un scénario à l’identique, sauf qu’en ce temps là nous étions tous vivants...

Je me gorge de lumière, me soûle de ciel bleu, pour finir par me fondre littéralement dans la peau du lézard vert qui vient prendre lui aussi sa part d’énergie, plaqué contre le rocher ruisselant de soleil dès le matin. Je voudrais m’immiscer dans cette longue goulée d’existence qui affleure de partout, comme pour en refouler le surplus jusqu’en -dessous de la surface terrestre, afin que cela illumine son cœur d’une somptueuse clairvoyance et que de là -dessous il nous sache, nous voie, nous respire, nous aime silencieusement encore, comme autrefois.
Je voudrais que cet autrefois soit la lumière d’aujourd’hui, en cette toute première foulée sur le sol Sarde, que nous imprimons de nos pas de voyageurs si nouvellement insulaires.

Mais nous voilà maintenant à Golfo di Orései.
La mer est d’un bleu minéral. Longtemps. Puis le soir tombe et les roches se liquéfient en mauve céleste avant de glisser vers une longue nuit d’encre. De l’autre côté, c’est le jour…
© Hélène PHUNG quelques feuillets de ce " CARNET SANS VOYAGE" qui ne cesse de voyager, finalement... Mai 2015

Là -bas, au bout de la France dont je reviens à peine, et plus loin encore, un artiste de land art a posé des pierres sous un arbre en pensant à moi, qui voyageais aux côtés d’une jeune peintre péruvienne. Tandis qu’il œuvrait en silence, elle a parlé. Tout le temps du voyage mes oreilles ont été b...ercées de la lancinante mélopée de la vie qui se raconte et puis se tait, c’est cela vraiment que j’aurais aimé dessiner si j’avais eu encore un peu d’âme au bout des doigts, et puis bien sûr il y avait ce livre qui m’attendait dans la boîte à lettres, les mots de Paul l’ami poète que j’avais oublié d’avoir oublié. Comme il faut chercher loin ce que nous sommes encore…
« Carnet sans voyage » © Hélène PHUNG 28 Octobre 2014

CARNET SANS VOYAGE Extrait de la page du 28 Octobre 2014
Le vent souffle ou ne souffle pas, qu’importe, tout est affaire d’humeur. J’ai longé les trottoirs du Mans comme on longe un port amarré de bateaux en partance, d’immenses voiliers en manque de vagues. Nul besoin de lune ni de boussole, me voilà rendue. Revenue au point zéro de mes chères montagnes, c’est là que tout a failli, même moi...
...Les pigments dont me parlait Blandine, et que je serais allée chercher du côté de Marrakech si seulement j’avais eu l’ombre d’une seule idée à dessiner, et le souffle d’un carnet dans la poche, or je ne transporte rien que mon âme en étoile, un corps de moins en moins à l’image de mes images, un cœur à bout de rythme et des pas de danse sous les semelles…

« Carnet sans voyage » © Hélène PHUNG
Il y en a qui m'aiment trop et d'autres pas assez; aujourd'hui les feuilles tombées rouges des arbres faisaient des tâches de trop sur le gravier... Mais les gens ne faisaient que passer, comme vous, comme moi, comme octobre, qui d'ailleurs déjà s'en va. Je ne regrette rien, si... Un carnet de cuir que j'ai failli acheter, j'y aurais inscrit la date d'aujourd'hui et rien d'autre, tout le reste se...rait resté en silence au fond de ma poche, et ce silence, c'est sûr, je l'aurais emmené partout avec moi, il ne m'aurait plus jamais quittée. Parfois, la seule chose qui vous reste est tellement plus vaste que vous- même, que c'en devient une terre, un ciel, et le chemin de ne pas y aller. © Hélène PHUNG " L'Inaudible" Le Mans 23 Octobre 2014
CARNET SANS VOYAGE LAPEYROUSE MORNAY ( Drôme) 28 Aout 2014

Là où les champs s’étendaient à perte de vue, les villas ont poussé. La maison de mon enfance s’écroule doucement et nul ne trouve à y redire; il faut bien que le temps passe, qu’il creuse des rides et des rigoles, qu’il façonne des paysages de vallée et de montagne aride sur les visages des gens afin qu’ils ressemblent à la vie qu’ils... ont menée, à celle qu’ils ont oublié de poursuivre là bas au bout des chemins, où les pruniers ont un goût d’été vieillissant.
Il faut bien qu’il donne aux pentes des collines des mains noueuses et des rires d’enfants, pour que les cerfs volants s’y accrochent encore.

Le reste est aléatoire, je me balade, le long d'un sentier autrefois si souvent parcouru, me laissant porter par le plus grand des hasards, jusqu’au vent de rien.
Me voilà hantée de pluie et de lunes, de gémissements aux fenêtres; ce qui encombre mes pas devient rivière et larmes de jeune mariée.
Vagabondant sans fin, j’entraîne dans mon sillage toute une floraison de silences et de battements d’ailes, de souffles nocturnes tout juste éclos du rêve des libellules bordant les étangs, et quand je choisis un lieu où m’arrêter enfin, rien ne prend racine que ce qui a toujours existé : la halte contenue dans les pas, l’immense fatigue, celle que l’on trouve en bout de course, qui vous prend dans ses bras et vous assigne à résidence.

Pose toi, chante le vent, enfonce toi dans l’humus, devient chair fertile sous l'empreinte de l’autre, porte le longtemps comme d’autres t’ont portée, devient terre ronde qui siffle sous les pieds, et glisse sous les pas noctambules : la lente musique du temps qui s’écoule et du rien qui l’absorbe. Peu à peu je me laisse guider, je ne suis plus que cela qui me porte: du vent poussé par le vent., la terre tournant sur elle-même...

© Hélène PHUNG 28 Août 2014 Lapeyrouse-Mornay ( Drôme) « Carnet sans voyage »
CARNET SANS VOYAGE 24 AOUT 2014

Bien sûr, je pourrais écrire sous l’écorce de l’arbre, dans la soif verte des encres, je pourrais attenter à la pudeur de l’été évadé, (il a plu tout le temps, heureusement que nous sommes descendus en Italie), au lieu de ça, je vais à Ikéa acheter trois cadres vitrines dans lesquels j’épinglerai mes papillons de papier, et autres choses pliées, j’imagine ce que j...’y mettrai, depuis ton cœur jusqu’à la cartographie de nos journées celles que nous avons vécues et puis d’autres de mon histoire d’autrefois car il y eut un avant et un après…
Mais je cours vers maintenant, ce moment qui n’existe que deux secondes, celui de la capture ,de l’instantané.

Ce matin sur la route tandis qu’on roulait, j’ai saisi soudain mon appareil photo et j’ai pris mes pieds posés contre la vitre , un arbre qui filait plus vite que le vent. On a acheté 2 pizzas qu’on a mangées en route, et puis on est rentrés. Je préfère les longs voyages ceux où on ne fait qu’avancer, quand demain est nulle part encore , alors le temps s’allonge, les rivages se ressemblent, on peut dormir ou marcher, se taire ou parler, rien n’aboutit que le commencement d’une chose pour en clore une autre et ainsi de suite indéfiniment. Acte après acte, en toute divine légèreté. Boire un café ne prend aucune place, simple incidence collée aux quelques notes de musique d’un accordéon qui se trimbale dans la rue, juste derrière le kiosque, et déjà ailleurs s'en empare, ailleurs est là, mais qui s'en souviendra ?

On est revenus en passant par la même route qu’à l’aller, sauf que c’est moi qui ai conduit, je ne sais pas à quoi j’ai pensé tout ce temps là, peut -être que je finirai moi aussi par trouver les mots justes et qu’ils seront simples , Kérouac traînait dans ma tête. Nous avons su enfin arriver, avons retrouvé les arbres du jardin, ceux qui n’ont toujours pas livré leur fièvre de papier, j’ai oublié de sortir mes cadres de la malle, nous sommes rentrés dans le creux d’un songe, tant pis on attendra l’automne.

© Hélène PHUNG « CARNET SANS VOYAGE »24 août 2014
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CARNET SANS VOYAGE " FEUILLET du 20 AOÛT 2014

Jour de voyage à l’envers, dans la solitude des pierres : mon jardin s’épuise, je n’ai même plus envie de le regarder, seules les ombres m’intéressent car elles ressemblent à ce qui ne s’écoule pas. Pourtant il suffit du passage d’un seul nuage pour qu’aussitôt le monde bascule, un grand vent d’oiseaux s’élève à l’horizon. Mais il faut bien reconnaî...tre que ceci n’est qu’une image littéraire celle avec laquelle j’ai débuté mon matin en en faisant un haïku.

Me lavant les rêves comme d’autres prennent leur douche, j’exerce mon cœur et mes yeux : dans le geste de voir s’étale de l’encre en même temps que des larmes. Je viens tout juste d’apprendre que leur composition chimique est différente selon les émotions, celles ci sous le microscope seraient semblables à une page blanche avec quelques soupçons de latitude terrestre : ce ne sont que des coulées d’absence et de non moi.

Pourtant dans ce réseau intime quelque chose comme de la joie circule, que je n’analyserai surtout pas, que je laisserai s’épanouir à la frange subtile de mon être, juste à la frontière de ce rien que j’enterrerai ce soir comme je le fais de chaque journée échue, inopinément s' y ouvre une brèche dans laquelle j’entre en silence.

Nattages 20 aout 2014
© Hélène PHUNG « CARNET SANS VOYAGE »

Le voyage se poursuit dans les nervures de la feuille, et le rêve mêlé de l’insecte; je suis cette longue partance au bout du chemin.
Là com...mence le jardin de mon enfance, dans le songe de la mandibule, et la couleur bruyante des élytres, le dessin des pattes de tipules, légères acrobates dansant à la surface de l’eau.
Aujourd’hui je me penche sur la verdeur du bassin pour en épuiser tous les souffles et les tristesses alanguies car il est évident que bien des îles entrouvertes furent oubliées dans le sillage de mes chagrins d’enfants, grands comme des montagnes au point que je me demande si celles qui se dressent ici même en face de moi ne sont pas que les ombres de ce temps là, encombrées de neiges inutiles et de nuages aussi longs que des désespoirs cachés.

Tant de fois j’ai enfilé mes chaussures de montagne, tant de fois j’ai escaladé de vrais vertiges et bêché de lourdes plaques de terre argileuses, remuant la terre des potagers successifs de ma vie.

Jamais je n’ai retrouvé le frimas qui souleva mon manteau de laine rouge, ni la piqûre vive de la châtaigne qui brûla mon doigt.
Nulle part je n'ai su déterrer le frôlement de la feuille orangée qui se détacha de l’arbre dans la coïncidence exacte de mon cœur s’ouvrant à la conscience aiguë du temps qui passe , ni les douces semences de mort incluses dans le souffle du vent léger qui traversa alors mon cœur.

© Hélène PHUNG Carnet sans voyage Jardin de Nattages 17 Août 2014

Je ne sais d’où j’écris, peut- être depuis ce lieu vierge, à peine entamé d’une après- midi en mon oreille entrée, avec un léger vent faisant tinter à la fois les clochettes accrochées à la porte d’entrée, ramenées d’...un village vietnamien près de la frontière chinoise en 2012 , et le mobile d’agates bleues du Brésil que j’avais acquis autrefois à Pèzenas dans un magasin de pierres dont le nom « Poussière d’Etoiles » m’avait aimantée, comme s’il s’était agi de mon propre cosmos, suspendu dans le couloir, tintant d’un son minéral à chaque poussée venteuse, tandis que Kuljeet désormais installée en Inde du Nord et le poète Robert Notemboom discutent avec moi en messagerie privée, comme par hasard tous deux de la mort et de la vie, mais ce n’est somme toute pas si étonnant puisque l’une réagit au texte que je viens de poster, où il est fortement question de cela, tandis que l’autre reprend la conversation de la veille au cours de laquelle nous évoquions sa fin attendue, et du coup toutes les morts passées et à venir.

Je regarde au dehors où je ne vois que l’ombre et le feu d’une après midi qui circule, se faufile entre la verdeur d’une mare et le rouge de l’érable. Dans des instants pareils je voudrais être peintre pour attraper la lumière ou bien Dieu car je suis certaine que tout irradie de son large sourire que je voudrais tant expérimenter .

Et puis il y a ce poète iranien qui écrit sur sa page qu’il voudrait qu’on l’enterre près d’une jeune fille aux yeux bleus « sky blue eyes" ce qui paraît si léger quasi angélique dit comme ça, en anglais, que l’on voudrait s’éteindre de suite pour rejoindre cette ineffable apesanteur. La circonstance hasardeuse de ce bout de poésie, s’ajoute encore au reste, si bien que je voudrais m’y fondre, dans un irrésistible attrait des couleurs, moi que le bleu obnubile…

Hier au soir j’ai voulu capter l’arc- en- ciel mais mon appareil photo, depuis le retour d’ Italie est resté déchargé alors je me suis enfoncée dans la lourde tache de regarder sans fin, jusqu’à la douleur des yeux car il est difficile de fixer les choses, du regard, de la main, de les graver au fond de la mémoire, je ne sais pourquoi je me suis infligée la pesante responsabilité d’accueillir cela qui ne devrait selon moi en aucun cas se perdre avec le reste de cette après midi sans fin.

Je ne sais d’où j’écris peut être du fin fond de cette absence qui s’élance et se noie, pupille orpheline, ou encore dans ce vague de l’âme dont on n’aurait pas éclairci l’encombrant désir.
Dieu merci , voici que Philippe de Paris que je ne connais qu' à travers une inépuisable fraternité de rêve (je me souviens de nuits d’insomnie s’étirant longuement entre France et Québec où nous nous parlions à trois, avec Laurent, par dessus l’océan et les toits, histoire de ne pas nous enfoncer dans la densité nocturne sans en partager le grain ni la version ensoleillée due aux 6 heures de décalage... ) m'interpelle soudain.
Il a juste parlé de papillon et j’ai pris ce mot comme une bouée de sauvetage, je l’ai épinglé dans ma mémoire, nous sommes repartis là dessus, via Internet, nous nous sommes dit des choses, c’est cela qui s’est passé très exactement et qui m’ a recalée dans le monde où il est définitivement 16H 32 le 16 août 2014 tandis que j’écris.
© Hélène PHUNG "CARNET SANS VOYAGE" Nattages 16 août 2014-

Je me demande si je ne vais pas mourir bientôt, si inconsciemment je ne le sais pas, sinon comment expliquer que ma vie fasse un telle boucle depuis plus de dix ans déjà, me ramenant sur les chemins lointains du Viet...nam, jusque sur la tombe de mon grand père enterré dans un champ entre rizière abandonnée et forêt au bout de tout, et que je suis allée voir comme pour un rendez- vous le jour même de l’anniversaire de sa mort, sans savoir quand il avait lâché la vie (et j’ai su alors, lisant la pierre gravée, que ce fut juste avant que je ne la rattrape, que lorsque je suis née il était déjà décédé, qu’au moment où je quittais ma terre natale il avait déjà escaladé le ciel de sa mort) ?
Inlassable boucle me ramenant sans cesse vers des gens que j’ai connus, aimés et perdus de vue, avec la sensation de finir enfin de les aimer, car tout doit s’achever même cela que l’on croyait éternel.
L'amour comme toute chose a une fin, que l’on se doit d’embellir car rien ne subsiste toujours que la beauté celle que l’on croyait prendre quand de toute évidence elle nous fut donnée avec la vie elle- même, et l’on était dans cette culpabilité d’avoir dévoré ce qui nous appartenait, de goûter à nos propres chairs, mais qui nous en aurait empêché sinon nous- mêmes ?
Il n’y a rien à voler puisque rien ne nous appartient, notre existence s’écoule presque en marge de nous- même, pour nous ramener en fin de compte à la grande rivière souterraine d’avant toute histoire.
Sinon, pourquoi cette frénésie soudaine de paroles et d'écriture quand rien ne m’apaise tant que le silence, dont je sais qu’il fut là, à notre propre source, et que nous y retournerons au bout de tout, et que cela au moins sera partagé ?

© Hélène PHUNG « Carnet sans voyage » Nattages le 09 Août 2014 dans une rêverie d’un lointain Vietnam

Les pages du CARNET SANS VOYAGE se déroulent:
Feuillets du 4 aout RAVENNE, Italie

Nous avons flâné, jusqu’en fin d’après- midi dans les rues de Ravenne.
Dans cette ville, plus les heures passent et plus la lumière se met au diapason des murs de brique rose vif ou tendre, des façades crépies de tons ocres et abricots, aux moulures fraîchement refaites dans le centre, encore délavées partout ai...lleurs, de ciels d’orage et de relents d’hivers délicatement poudrés, comme s’il avait neigé du duvet d’ anges évadés des églises, à l’heure de noël. Tout cela bien sûr laisse des traces de rouille et de peinture écaillée, de vert de gris à l’angle des gouttières de métal, des empreintes de saisons superposées . Mais voici enfin 18 heures précises, l’heure exacte de l’été où la lumière diffuse au mieux les poussières lentes de cette ville, alors doucement elle brille de tout son éclat. On respire avec elle la lenteur du jour se décomposant en spasmes d’infinie douceur.

Les terrasses de café chavirent un court instant, les amoureux ralentissent leurs gestes, et les façades jubilent.
Puis tout reprend son cours, imperceptiblement le relais a été passé, déjà les ombres s’allongent avec les pas; l’envie de rentrer nous prend car ce qui vient après est d’un autre monde déjà : celui de la nuit à venir, à naître doucement à l’angle des rues et sur les toits des maisons, sous les coches désemplis de lumière.
Il faudrait trop de courage pour rester encore, régler nos corps à la vitesse des néons lumineux qui bientôt s’allumeront de rue en rue, de vitrine en vitrine, pas assez d’envie pour entrer de plein fouet dans la nuit qui s’annonce, et la vivre pleinement, comme ces jeunes gens qui déjà ont viré de bord, imperceptiblement apprêtés pour elle. Cela se voit, se sent, ils ont déjà un pied dans son mystère et le sourire des amants en route. Lui, grand dégingandé, elle cheveux longs, doucement appuyés l’un sur l’autre, comme sur le point de tomber en l’absence de l’autre.

Je repense à ce couple d’amoureux anonymes que Frédéric a rallumé hier dans ma mémoire, je revois leurs silhouettes jeunes et élancées, les bicyclettes vivement abandonnées, sombres dans la lumière du crépuscule, puis en ombre chinoise par transparence, devant la toile de tente éclairée de l’intérieur, le noir subit et les halètements couvrant les bruits feutrés de la nuit océane. Nos sourires un peu gênés. Nous avons débattu quelques temps sur la suite de cet épisode nocturne. J’ai eu du mal à me souvenir, et puis c’est revenu. Mais à quoi bon ? Rien n’éclairera cet instant ni tous ceux qui ont suivi d’une seule once de lumière supplémentaire. Chacun s’arrange avec ses souvenirs les emportant avec soi, dans un intime et infini conciliabule.

Ici, il est l’heure où le soleil se couche, dans une Italie que nous n’avons pas encore quittée. Je me remémore, un peu par hasard, ces jeunes gens qui s’aimèrent si fort qu’ils troublèrent autrefois la nuit, désorientant peut -être sans le savoir la boussole de nos désirs déjà imperceptiblement affolée, nous les témoins involontaires de leurs ébats, qui apparemment n’avons pas dissous le trouble encore trente années plus tard.

A l’heure qu’il est, il me semble qu’ils étaient absolument semblables à ceux que j’ai laissés place « Di popolo » à Ravenne, ce soir, derrière moi.
Eux, si beaux, si affamés, qu’on leur aurait volontiers laissé les clefs de la nuit en leur disant : prenez la ville, les places, les rues, le ciel par dessus les toits, oui, prenez le temps, le vent, le pouls du monde, prenez vous, prenez tout, n’ayez crainte, il restera toujours assez de lumière.
Maintenant, il est 21 heures 30, loin de Ravenne, déjà...
© Hélène PHUNG "CARNET SANS VOYAGE"
04 aout 2014
Le voyage se déroule, les pages se remplissent , celles du "CARNET sans VOYAGE" (Feuillet du 3 août 2014-08-03 depuis Petacciato / Italie)

La boucle est bouclée, nous revoici à Petacciato, nous avons reconnu les lieux, la bordure de pins aux bruyantes cigales, de l’autre côté de la route et de la voie ferrée, le littoral sablonneux à atteindre après de petites dunes, où quelques fleurs jaunes s...e découpent sur le fond bleu du ciel et de la mer mélangés, les mêmes rochers comme deux îles silencieuses couvertes des mêmes mouettes au repos, que l’on peut rejoindre à la nage.
Mais comme tout paraît soudain trop familier, trop facile d’accès. Comme si tous les mystères s’étaient épuisés et que les éléments n’aient plus rien à nous apprendre. Je n’ai même pas apprécié le bain que nous avons pris hier en fin d’après- midi quand nous sommes arrivés pourtant ruisselants de sueur après quelques heures de route par temps orageux. J’ai trouvé l’eau chaude , encombrée de débris végétaux, et de quelques bouts de sacs en plastique, dérivant d’on ne sait où. Il faut dire que les touristes d’ août ont planté la panoplie des loisirs un peu partout :parasols, bouées, chaises pliantes et serviettes, chiens en laisse attachés délimitent des territoires d’un lieu de vacances privé. En fait plus rien subitement n’est vacant, tout est occupé. Surchargé. Comme le ciel, comme l’eau en dessous reflétant en écho des multitudes de grisailles. Car bien sûr il fait un temps de retour, nuageux. Hier on a vu un bout d’info sur une chaîne qu’on a réussi à capter : en France c’était journée noire un record : 995 kilomètres de bouchons totalisés. On interviewe les gens « Ça y est on part, c’est ça la vraie vie » dit une jeune femme, lunettes de soleil et bronzage UV jusque sous le short.
Je me dis qu’en fait le désenchantement n’est pas dans les lieux mais dans le regard porté, la façon de traiter les choses, de donner du sens ou de désacraliser tout ce qu’on touche.
Finalement, j’ai décidé de ne pas fuir cet endroit désenchanté, mais au contraire d’y rester un peu, ce matin j’irai jusqu’à la plage, qui sera de toute façon moins encombrée à cause du temps brouillé, me remplissant au passage du chant des cigales, traversant pieds nus le sous bois, puis je plongerai dans l’eau quelle que soit sa couleur et sa température comme dans une eau de baptême. Je parlerai silencieusement aux roches et aux mouettes. Je remercierai le sable pour sa clarté et le soleil pour le peu de rayons dont il voudra bien me couvrir au sortir de l’eau. Je rendrai à la mer de cet éclat dont elle m’avait si généreusement fait don ici -même quelque temps plus tôt. Au ciel sa légèreté d’oiseau et aux oiseaux tout l’élan du ciel.
Je tâcherai de rendre un peu de lumière à la lumière. Et je garderai au fond de moi le sel de l’existence. Juste de quoi repartir.
© Hélène PHUNG, 3 août Petacciato. Italie

En ce moment, je trie les photos de voyage, enfin celles que j’ai . Autrefois je ne photographiais pas et je n’aimais pas que l’on capte mon image, parce que rien ne s’écoulait, parce que la beauté n’a nul besoin d’être rassurée, encore moins qu’on l’épin...gle au vol.
Autrefois, le sable courait entre mes doigts et la mer entre mes jambes et cela n’avait aucune importance.
Le monde lui- même était insignifiant, tout provenait par hasard, tout était gratuit et fortuit.
D’ incident en incident j’ai fini par l’aimer, par t’aimer, et quelque chose a fini par passer que bien plus tard j’ai su nommer, et ce n’était rien d’autre que le temps.
Puis nous avons voyagé autour d’un monde rétréci, nous avons tellement cru aller loin, en fait nous revenions sans cesse vers cela cette chose que nous n’avions pas vu venir, ni partir, juste mourir entre nos doigts bêtement : l’éternité se meurt à chaque fois, sans cesse, indéfiniment, elle n’a que cela d’éternel ce moment d’effacement et d’oubli en marge de tout, au cœur de rien.

Voilà pourquoi désormais il me faut photographier à mon tour, tenter de capter quelque chose, toujours en désespoir de cause car je sais bien, au fond, que je ne photographie rien d’autre que cela ce futile désespoir qui parfois a la grâce d’un ange de pierre dans une église de Lecce, le regard d’un enfant croisé au bord du fleuve Sénégal ou les nervures silencieuses d’un arbre s’accrochant à la terre, quelque part, n’importe où, là où le silence n’a pas prise, encore.

© Hélène PHUNG " Carnet sans voyage "Nattages le 9 août 2014 13H 09


On me dit que j'ai une belle plume, ce qui me flatte, alors que voulez- vous je me les arrache une à une pour mieux écrire encore, car que l'on soit humain ou oiseau on a besoin par -dessus tout de sentir les ...ailes de l'amour des autres nous porter.
On voudrait être un ciel sur la terre, remplir l'autre du manque de soi et du vertige infini du désir, à chacune des rencontres terrestres, aussi brèves soient-elles, mais tout occupé que l’on est à tracer ici-bas les signes du monde, on en oublie de voler, alors on perd grâce à ses yeux, aux nôtres, on noie peu à peu l’innocence première, celle qui nous faisait d’instinct trouver la courbe du vol, l’essor essentiel d’une vie ailée.
Quand on se décide enfin à s’élancer, plus rien ne reste du savoir caché, de la ressource mystérieuse en soi enfouie, qui faisait jaillir si loin notre cœur , alors on reste piteusement cloué au sol, et l’on découvre ce que l’on a soigneusement gravé dans la pierre, qui est cause de notre irréparable malheur, cela nous console à peine, de contempler l’image merveilleuse de l’oiseau qui s’envole...

© Hélène PHUNG Aujourd'hui 9 Août 2014 écrit d'une traite à l'instant même...

Le CARNET de ROUTE se poursuit: Feuillet du 2 AOÛT 2014 du côté de Malfetta ( Italie)

Nuit d’insomnie, feux d’artifices, éclats de rire et musique rythmée jusqu’à 4 heures du matin avant que la mer ne réinvestisse la fonction berçante de sa houle.
A présent le balancement régulier du véhicule en marche. Je suis installée dans le mouvement, c’est cela qui rythme mes mots, la musique scandée de m...on état d’âme inhabité, de transit suspendu, direction Foggia que nous avons traversée déjà à l’aller, ce qui accentue encore le non- sens de toute cette gesticulation.

Ce qui compte n’est pas tant la destination que la seule déambulation, juste pour ne pas donner raison au corps arrêté qui pourrait alors uniquement se verticaliser, prendre des racines par le bas et des branches vers le haut, ne plus voyager que dans cette lente ascension, puis cesser peut- être même cet inaudible trajectoire de bas en haut, pour ne plus se matérialiser que dans la poussée figée de son bois minéralisé, abandonnant toute velléité d’envol, la confiant définitivement à l’oiseau, (cette excroissance volatile de soi) comme s’il était la feuille vive d’un désir perdu. Le messager fantôme d’un acte oublié

Alors comment ne pas vouloir explorer l’horizontalité ? Juste pour la fouiller au corps, la pénétrer dans la conscience aiguë d’un acte d’une sauvagerie sans fondement, d’une gratuité quasi artistique : d’abord le beau, ensuite l’utile, le vertige de parcourir la terre, de la déflorer tous azimuts malgré la conviction acquise qu’ au fur et à mesure que l’on avance, comme dans les rêves, tout recule ad vitam eternam, qui ne veut se laisser saisir, car rien ne s'attrape vraiment que l’immobilité.

Alors et alors seulement, si cela encore se peut, épingler un lieu pour y lover sa conscience, y enfouir son corps. Creuser un terrier, un geste, une écriture, dans le réflexe enfouisseur de l’animal, choisir cet arrêt définitif dans l’acte sans fin de mourir.

© Hélène PHUNG " Carnet sans voyage"
Le 2 août 2014-Sur la route entre Malfetta et Foggia .

CARNET SANS VOYAGE" SAN CATALDO Nuit du 31 juillet au 1° AOUT
(écrit au jour le jour, jeté aux vents de passage...)

On avance, ou plutôt ça avance, je ne sais quoi se déroule.
Je perds les notions de lieu, les noms des villes traversées se mélangent, elles finissent par toutes se ressembler, tant d’églises et tant de places, de lacis de ruelles s’ouvrant brusquement sur un port inondé de lu...mière ; de délicates
« piazze » toutes nimbées de douceur latine où je me disais que j'aurais bien aimé y finir mes jours, tout en les quittant sans état d’âme.

Je ne garderai pour mémoire que la lumière blanche des cités allant à la rencontre du bleu minéral d’une eau à perte de regard.
Le temps lui aussi prend des reflets d’agate ou d’améthyste, qui s’écoule à bout d’horizon. Nous finissons toujours par buter sur du bleu. A la fin celui du ciel ou de la mer finissent aussi par se confondre.
Nous- mêmes allons vers de l’indifférencié : le moi d’hier, ou d’avant- hier se noie en douceur dans celui d'aujourd’hui ou de demain, et voilà que nous nous fondons l’un l’autre en un seul être en partance, pour parvenir, au bout de tout, par nous désincarner, plus rien ne reste des corps, que la nage, le mouvement qui fend l’eau ou l’air, le sable. Nous sommes,mon compagnon et moi du voyage à l’état pur.

Mais la nuit le poids du monde se réinstalle, et dans le noir la mémoire effectue son lent travail de fourmi, quelque chose se tricote autour de soi et en dedans, je me surprends des épaisseurs.
Je me délimite. Au stylo et à la lampe de poche lorsque manque l’électricité, au clavier et à la lueur de l’écran pour ne pas réveiller l’autre.
Car il y a l’autre dans sa présence immédiate. Et tous les autres qui sont le monde, dans la grande rumeur d’une histoire en cours…
Et puis il y a moi : ce qui se reconstitue dans mon propre ventre, à la limite d’une sensation d’entrailles et de creux.
Autour de la faim et du désir, au risque de perdre ma légèreté, j’établis mon horizon : je pèse, je date, j’écris…
© Hélène PHUNG " Carnet sans voyage"
Du côté de San Cataldo. Nuit du 31 juillet au 1° aout 2014-
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CARNET SANS VOYAGE" SAN CATALDO Nuit du 31 juillet au 1° AOUT
(écrit au jour le jour, jeté aux vents de passage...)

On avance, ou plutôt ça avance, je ne sais quoi se déroule.
Je perds les notions de lieu, les noms des villes traversées se mélangent, elles finissent par toutes se ressembler, tant d’églises et tant de places, de lacis de ruelles s’ouvrant brusquement sur un port inondé de lu...mière ; de délicates
« piazze » toutes nimbées de douceur latine où je me disais que j'aurais bien aimé y finir mes jours, tout en les quittant sans état d’âme.

Je ne garderai pour mémoire que la lumière blanche des cités allant à la rencontre du bleu minéral d’une eau à perte de regard.
Le temps lui aussi prend des reflets d’agate ou d’améthyste, qui s’écoule à bout d’horizon. Nous finissons toujours par buter sur du bleu. A la fin celui du ciel ou de la mer finissent aussi par se confondre.
Nous- mêmes allons vers de l’indifférencié : le moi d’hier, ou d’avant- hier se noie en douceur dans celui d'aujourd’hui ou de demain, et voilà que nous nous fondons l’un l’autre en un seul être en partance, pour parvenir, au bout de tout, par nous désincarner, plus rien ne reste des corps, que la nage, le mouvement qui fend l’eau ou l’air, le sable. Nous sommes,mon compagnon et moi du voyage à l’état pur.

Mais la nuit le poids du monde se réinstalle, et dans le noir la mémoire effectue son lent travail de fourmi, quelque chose se tricote autour de soi et en dedans, je me surprends des épaisseurs.
Je me délimite. Au stylo et à la lampe de poche lorsque manque l’électricité, au clavier et à la lueur de l’écran pour ne pas réveiller l’autre.
Car il y a l’autre dans sa présence immédiate. Et tous les autres qui sont le monde, dans la grande rumeur d’une histoire en cours…
Et puis il y a moi : ce qui se reconstitue dans mon propre ventre, à la limite d’une sensation d’entrailles et de creux.
Autour de la faim et du désir, au risque de perdre ma légèreté, j’établis mon horizon : je pèse, je date, j’écris…
© Hélène PHUNG " Carnet sans voyage"
Du côté de San Cataldo. Nuit du 31 juillet au 1° aout 2014-

CARNET SANS VOYAGE, nous voici à SAN CAESARO, au 31 JUILLET 2014

Il faut bien l’admettre : le but n’est pas tant de partir loin géographiquement que d’aller vers maintenant.
« Je sens que tu n’es pas là, en ce moment » m’a dit mon compagnon. Alors, minutieusement, il a préparé les cartes. Le monde est incroyable : il suffit de chercher un lieu avec Google Maps, on survole le globe comme à bord d’...un satellite, puis on se rapproche, à vue d’avion on peut discerner les grandes lignes du paysage, les creux et les reliefs , enfin à vue d’oiseau reconnaître les routes et les forêts, les bâtiments, les piscines et les voitures garées Alors nous survolons ensemble, Christian et moi, comme deux être ailés. Oui, l’Italie : moi, je cours après la lumière, l’eau et le ciel. Va pour l’Italie du sud, on décroche d’un quart de tour et on dérive vers Modane.
De là-haut, on peut voir que toutes les plages sont bondées de parasols à perte de vue, des kilomètres et des kilomètres de littoral greffé de chaises pliantes. Descendre plus bas, mettre le curseur plein sud, le long de la côte adriatique, enfin quelques plages vierges à partir de Vasto dans les Abruzzes, on sent que ça respire...
C’est là que nous irons a conclu mon compagnon, pas plus loin que Bari, après on revient.
Et nous voilà pas loin de Galipolli. Si ça continue, on finira dans les Calabres. De toute façon après il n’y a plus de terre, il faudra bien finir par remonter.

Pour l’instant chaque soir nous cherchons un endroit où nous poser, dormir, rêver de la journée passée, dans le temps immobile de la nuit, et chaque matin nous sommes en quête du lieu où vivre aux heures vibrantes du jour de quoi alimenter les rêves de la nuit prochaine.
C’est un cycle sans fin, un circuit fermé qui me plait, m’arrondit les espaces, une bulle comme dans le ventre d’un rien en gestation. Respirer, avaler de l’eau par la bouche et tous les pores de l’épiderme, ouvrir les yeux, battre des nageoires, en laissant ciller les branchies au rythme des marées intimes. Se laisser bercer par les kilomètres qui se déroulent comme une longue rivière de plus en plus familière.
Le lieu de cette dérive lente, c’est maintenant, toujours. Je m’y épaissis, j’y prends de la graine. Je m’accroche.

Bientôt, ça formera un caillot de sang. La chair prendra tout autour, des moignons de main écloreront et les cavités des yeux se creuseront : deux globes oculaires comme deux boutons de rose.
Je flotterai longtemps dans ce sommeil sans nom, au creux du lent bourgeonnement, mais qui verra du haut du ciel ce silencieux déploiement, qui saura la force de constellation nécessaire à une telle poussée ?
Moi même je l’ignore, qui ne suis pas encore née à ce jour.

© Hélène PHUNG " CARNET SANS VOYAGE" 30 Juillet 2014 San Caesaro, Italie.

Ce soir, traversant la pointe sud de la Poglia, nous passerons de l’Adriatique vers la mer Ionienne, nous irons plonger ailleurs nos vieux corps naufragés.
Je songe à toutes ces eaux où j’ai mouillé, depuis celles que je traversais toute petite, de Saï...gon jusqu’à Marseille, et dire que j’ai failli être jetée par dessus bord, ma mère pleurait disant qu’elle suivrait son enfant s’il venait à mourir, mais au cours d’une escale un vieux médecin indien m’ aurait sauvé la vie en me faisant soigner à l’eau de mer, je ne sais si toute l’histoire est vraie, mais c’est ainsi qu’elle est colportée dans la famille, comme ont été bringuebalés d’autres souvenirs venant de la vieille Indochine : des coussins de soie brodés de dragons, des théières de porcelaine aux paysages exotiques, un éventail noir cousu de phénix d’or, tous ces objets extravagants arrivés avec nous par bateau, échoués en terre de France où il fallut poursuivre nos mythologies ambulantes.

Mer de Chine, mer d’ Arabie, Méditerrannée et Mer du Nord, , Mer des Caraïbes, l’Atlantique des côtes bretonnes et du Sénégal, Océan indien…
La même eau parcourt le monde, et lave la terre. Yeux fermés, j’essaie de me concentrer sur les cellules de mon corps, me demandant quel lien de parenté perdure encore entre la matière liquide qui circule depuis la nuit des temps à l’intérieur des hommes, en une messe secrète, le temps d’une vie, et cette autre, plus bruyante au-dehors, capable de tempête et de tsunamis, encerclant la terre, berçée aux sombres remous de ses origines

De mémoire aqueuse, à 6 heures ce matin, je me projette sans fin dans les méandres de mes remontées de rivières. Depuis que nous sommes partis il me semble que le monde flotte et que notre camping- car soit une arche de Noé, mais où sont les animaux, me demandai-je. Même si je m’entête à croire que j’ abrite quelques animaux totémiques, cela fait bien peu face aux déserts que nous totalisons Christian et moi. Si le monde venait à mourir, quelles montagnes, quels lacs et quelles sources serions- nous capables en nous de transporter ? A force de mots et de mémoire peut-être…

Mais voici que la vie s’éveille, dehors une femme hurle dans une langue que je ne connais pas, il fait un temps plutôt nuageux, le chant des cigales redouble d’intensité, les voitures au loin affluent, redonnant sens à la route, au monde.
Prendre la carte, chercher sa position,différencier le nord du sud, écouter la météo à la radio dans une langue étrangère, claquer les portières et redémarrrer.
L’ordre des choses finit toujours par revenir, et la houle du monde vous emporte.

San Cataldo , Poglia 29 Juillet 2014

Pas moyen de dormir. Nous avons fini par atterrir dans une aire minable je ne sais où, loin de la trajectoire prévue. Je tiens la carte pendant que Christian conduit, mais je m’y perds, nous avons raté une sortie d’autoroute puis nous nous sommes embrouil...lés dans des déviations à n’en plus finir qui nous éloignaient des côtes pour nous plonger dans des terres noires. Depuis quelques jours le GPS cherche en vain à nous localiser depuis des satellites introuvables, dans un jeu de pistes des stratosphères dont les règles technologiques nous échappent, à la fin je l’ai débranché, et voilà comment nous sommes arrivés en ce lieu de nulle part , juste un point de chute comme on dit, il y fait terriblement lourd, la nuit a fini par tomber, et nous attendons que la pluie en fasse autant.
Fenêtres et portes ouvertes sur une obscurité sans fin, tandis qu’au loin le rythme obsédant d’une musique de boîte de nuit résonne en nos têtes qui étaient restées si longtemps sous l’eau qu’on aurait pu croire que les branchies que nous arborons désormais y seraient restées insensibles, mais rien à faire l’instinct grégaire repend le dessus ainsi qu’un reste de culture humaine, si on peut appeler ça ainsi, toujours est –il que parmi les airs secouant cette torpeur je reconnais un morceau du dernier album de Zaz, enfin quelque chose qui y ressemble, comme quoi les italiens n’écoutent pas que de la musique disco, même en boîte, mais peut- être est-ce un mariage, j’imagine la fête nocturne, avec une mariée plus blanche que l’écume, et le chianti qui coule à flots.
Et cette pluie qui ne vient pas, Christian se lève, ouvre le frigo, avale une bière, ça fait un bruit de marée qui monte, je ferme les yeux, mal au dos, c’est terrible depuis quelques jours , sans parler du bras qui a gonflé à cause d’une piqûre d’insecte sur la plage, pas de pharmacie sur notre route pour l’instant parce que nous fuyons les villes.

Mais demain, si on survit à cette longue insomnie , on ira se noyer dans une cité latine, à Vesce par exemple ou à Barletta, on y entrera en pleine après midi, à l’heure où derrière les fenêtres aux longs rideaux dansant dans le vent, résonneront des bruits de couverts et de plats aux senteurs de basilic et de menthe poivrée qui mijotent, des courses d’enfants dans les couloirs et des postes de télé qui s’ouvriront sur des émissions de variété remplies de chansons, car ce sera dimanche, juste pendant une courte ondée, les balcons frémiront sous le passage de la pluie, et le linge oublié aux fenêtres dansera au doux rythme d’un rinçage céleste, les magasins seront fermés, surtout les « gelaterie » qui n’auront pas désempli la veille, nous aurons tout l’espace des rues pavées ruisselantes de lumière mouillée, et des caniveaux aussi bruissants que des rivières pour ressourcer nos pas.

On dit que l’eau de mer cicatrise toutes les blessures, grâce au sel qui enferme le mal dans sa morsure, de ce côté là, nous somme cuits et recuits, salés, séchés , ensablés et embrumés pour le restant de nos jours, peau hâlée et tendons brûlés, corps épuisés à la nage, jusqu’à la lie des anges, alors quand une pluie fine tombée en droite ligne du ciel se déversera comme une liqueur vierge sur nos corps de voyageurs déboussolés, nous resterons sur place, enfin comblés et planterons nos racines, à l’image des oliviers centenaires qui ne cessent de border nos routes, prévues et imprévues,comme pour nous signifier quelque indice que nous ne saisissons pas tout à fait encore mais que nous finirons par comprendre. A force d’aller et venir, je crois que les sens s’aiguisent aux imperceptibles messages semés sur le chemin, nous nous installerons dans le sol de cette place ronde, dont j’ai oublié le nom, et c’est normal puisque je ne puis me souvenir déjà de demain, "domani" peut- être, à la condition qu’enfin s’épuise aujourd’hui.

Les 27/28 juillet 2014 Entre Zapponeta et Bari… Les Pouilles Italie. " CARNET SANS VOYAGE"

Je continue ma route... et mon "CARNET SANS VOYAGE", de Petaccino en Italie du Sud, je vous envoie ces quelques pages...

Le temps du voyage n’est pas celui de la sédentarité, d’ailleurs ce n’est pas un temps, juste un lieu, et curieusement ce lieu est unique, il nous ramène à notre centre qui se trouve être la somme de tous les espaces et de tous les lieux parcourus, le cœur du monde en soi retr...ouvé.
Ce qui se maintient, ce noyau dur, centre d’une gravitation intime, qui perdure, gardant le cap, d’un bout à l’autre du monde (qui n’est somme toute qu’une courbe à traverser), c’est soi- même, c’est à dire le nœud d’une histoire personnelle, la contracture de souvenirs focalisés en un point précis de ce mouvement qui nous porte, et nous dessine en même temps, la vie en soi déployée, passé, présent et devenir en marche, en route vers nulle part puisque de toute façon la terre est ronde, et que la courbe du temps nous ramène invariablement à la poussière dont nous venons, celle qui se colle à la semelle des chaussures de l’infatigable marcheur de l’existence, l’ être voyagé ...

Et l’on tente de lire les espaces, de déchiffrer l’écriture des sables, de graver ses propres signes dans des carnets de route, qui traîneront de sac en sac, s’oublieront au fond des tiroirs et des valises, que l’on ouvrira parfois à des milliers de kilomètres du lieu où ils furent inscrits, mais ils n’auront rien retenu du vent des âges qui nous parcourt, et nous pousse un peu plus en amont du vide dont nous sommes constitués. Poussière de chemin, poussière de soi…
Le plus loin qu’on puisse aller c’est nulle part, puisque la rotondité du globe nous ramène sans cesse au point de départ, le plus loin qu’on puisse aller, c’est rester.
Creuser ici- même toujours, s’enfoncer dans le présent, y construire un nid, un terrier et s’y blottir, s’y oublier.
Secret d’un bonheur absolu, d’ un aujourd’hui éternellement antidaté :arrivé au bord du rivage, prendre le temps de poser son regard sur la fleur jaune qui a l’audace de pousser le bleu du ciel un peu plus haut que la ligne d’horizon, avancer pieds nus dans le sable, en mêlant ses pas aux traces de pattes d’oiseaux, tandis qu’un vent léger efface au fur et à mesure les empreintes pour mieux les rendre au silence, aller vers cela longtemps, toujours, inépuisablement, en oubliant que quelqu’un vous aime, à l’autre bout de la terre, juste marcher, dans la sensation du grain de sable sous la plante des pieds, de l’air marin dans les cheveux emmêlés, de l’odeur des chardons et des herbes sèches tout à l’entour de ce rien, de cet aller sans retour, de cette absence même d’aller puisque voilà, vous y êtes depuis toujours, ce qui est devant vous c’est la mer, sans nom, oubliée de toute carte, absente de toute représentation terrestre. Celle de nulle part, d’ici et de partout.
Vers laquelle vous êtes allé, de laquelle vous reviendrez, toujours.
C’est à dire à peine plus que jamais.

Petaccino Mer Adriatique 23 juillet 2014 © Hélène PHUNG « Carnet sans voyage "
Ici, à n’en pas douter, le soleil est italien.
Fermant les yeux à la terrasse d’un café de Modène , sirotant un cappuccino léger, je me dis cela, que ses caresses à onze heures du matin sur ma peau découverte sont terriblement latines, d’ailleurs cette rumeur prodiguée tout à l’entour, jusqu’au bout de la « piazza » pavée, jusqu’aux pieds de la cathédrale somnolant sur sa rosace, sonne comme un... doux cantilène d’amour tout tressé de poudre d’insectes pareil à du pollen, qui chatouille l’épiderme, irrite à peine mes narines et mes lèvres sèches aussitôt plongées dans la crème mousseuse débordant "allegro ma non troppo" de la tasse.
Dans ce rituel aux saveurs de café, j’accompagne tous ces gens assis autour de moi, qui rendent grâce à la vie, à la douceur des couleurs qui les entoure, ocres langueurs des façades à demi cachées par la verdeur des platanes et des hibiscus ; quelque chose d’impalpable comme une longue prière partagée nous soude et nous délivre de notre pesanteur d’humains. Faire tant de kilomètres pour venir jusqu’ici accomplir ce rite anodin, et les yeux fermés encore !

Mais il faut avouer que c'est en cet instant précis de recueillement, de quasi méditation à l’intérieur de mes sens, en cette partie exacte du monde, que je ressens aussi divinement les liens qui vibrent, et se prolongent d’être à être, dans un langage de pierres et d’étoiles, d’arbres et de vent, et tout cela s’étire de la couche du temps, au-delà de cet instant fragile et millénaire.
Je sais être venue pour cela.

Puis, bien sûr, il faudra rouvrir les yeux, se lever et partir, tant de gestes m’attendent encore à l’orée de moi, à des kilomètres de cette destination bientôt délaissée, désormais ouverte à l’espace que j’aurais un instant occupé, le remplissant du court passage terrestre de celle qui ne rêve que d’envolées.
Certes, revenir au regard c’est rompre le charme, mais se consoler aussi de ne point rester :juste en dessous des clochers et des colonnes de pierre s’étale le verbiage du quotidien fait de vitrines et d’affiches, de soldes d’été, comme si les saisons se bradaient.

Ce soir, je serai sur quelque rivage de la mer Adriatique, du côté de Pescara ou de Vasto, dans les Abruzzes, et je trinquerai avec l’amour de la vie.
Car je ne suis amoureuse que d’elle , mille fois déjà je le lui ai dit, et mille fois elle m’a répondu, elle avait tantôt tes gestes, tantôt ceux des autres, elle s’étire de mon corps pour te rejoindre ailleurs, elle reste là pour danser avec le compagnon de ma vaste solitude, je pars sans cesse avec elle et ne reviens que lorsqu’ ayant assez grandi elle me pousse à partir encore pour mieux revenir, et ce jusqu’à perte d’elle, de moi, de nous réunies. Jusqu’à mon dernier souffle, je n’aimerai que la vie.

Le 22 juillet 2014 San Tomasso (sur la route de Pescara, Italie) JOURNAL
©Hélène PHUNG
J’aurais voulu qu’il meure.
Surtout pour lui, un peu pour moi. De toute façon c’est la fin. Tout le monde le sait, lui aussi. Il en a parlé avec Nicole, quand elle est venue le voir avant- hier. Il lui a déclaré que finalement il ne souhaitait pas une crémation, mais qu’on l’enterre à Moras, avec sa mère et son frère, dans le caveau familial. Nicole en a parlé avec la tante Odette, quand elle est... allée la voir pour la prévenir. Ah non, a-t-elle répondu, il ne reste qu’une place, elle est à moi. Il s’y est toujours pris au dernier moment pour tout, à -t- elle rajouté, comme pour se justifier.
On revenait du Portugal quand l’infirmière a appelé : c’est la fin, si vous voulez lui faire vos adieux, Christian a fait 800 Kilomètres dans la journée, le soir quand on est arrivés ma mère a déclaré que ça pouvait attendre, que la nuit précédente tout le monde avait cru que c’était la fin, mais qu’il avait survécu et que depuis le matin ça n’avait pas bougé, qu’elle ne le voyait plus partir. Je crois qu’il attend le jour de son anniversaire pour s’en aller a- t-elle ajouté, on a tous compté sur nos doigts : encore 15 jours, exactement. ( 5 juillet 2014 Lapeyrouse Mornay)

20 juillet, aujourd’hui il a 94 ans, et il attend, ou plutôt de temps en temps il attend, il a vaguement conscience d’attendre, mais quoi ? Il ne sait plus vraiment, le temps est devenu un long tissu élastique qui porte son corps, sa respiration, cette chose qui est lui entre des draps blancs que l’on soulève parce-qu’il y a à nettoyer, extraire, colmater, panser, bouger . La vie est compliquée, elle s’applique à durer, alors coûte que coûte, quelque chose est à maintenir.

Ce jour- là quand on est venus le voir, il nous a parlé, le temps d’un fond de mémoire, il nous a juste demandé comment on allait, la voix était si faible que Martine a du arrêter le climatiseur, puis elle l’a remis en route parce-qu’il n’avait plus grand chose à dire et que notre mère assise à ses côtés commençait à souffrir de la chaleur, le reste du temps on a stagné dans le bercement mécanique de l’appareil, juste histoire de partager quelque chose, je me suis demandé quoi.

Si, à un moment donné, il a murmuré, en se tournant vers moi qui me tenais sur sa gauche : ça fait 10 jours qu’on se promène, mais qui va payer ? Et ses mains tenaient le bord du lit comme on tient la rambarde d’un bateau, j’ai senti le roulis dont il parlait, la vague qui l’emportait si doucement qu’une mer n’y suffirait pas.T'en fais pas, lui ai-je répondu, et il a retourné la tête dans un demi sourire comme pour regarder les mouettes, dans le vent du large.
Enfin, sur la pointe des pieds on s’est éclipsé. Je crois que c’est reparti pour 5 ans a soupiré la mère en appuyant sur le bouton de l’ascenseur, comme la dernière fois, à moins que ce coup-ci ce soit vraiment la dernière, elle a prononcé cette phrase sans émotion aucune, sans état d’âme : il vient un temps où on laisse tout ça au bord du rivage, c’est juste pour partir plus facilement, quand ce sera notre tour.

Le soir, après la soupe, elle nous a fait une tisane de tilleul tout juste cueillie de l’été, elle remettait de l’eau chaude à n’en plus finir, c’était interminable.
C’est sa façon à elle de nous retenir un peu, car c’est sûr comme elle dit, qu' un jour ou l'autre, on va tous partir…
© Hélène PHUNG 20 Juillet 2014 Nattages – Journal -
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Il y avait si peu de mer tout autour et tant de silence dans mon cœur, à croire qu'il était perforé. Où donc s'écoule le trop plein ,me demandais-je, posant un regard interrogateur sur les mouettes en vol, mais rien ne s'immobilisait que la grâce du ciel, gris pourtant, et couvert de nuages, et c'était cela qui le faisait stagner, malgré les avions, malgré le billet froissé dans ma poche, et pour ...quel voyage encore?

Il faut dire que quand on a oublié le sens de sa vie, il est bien difficile d'aller ou de revenir; en réalité quand j'ai voulu saisir ce bout de papier, je me suis rendue compte que j'étais nue, une terrible angoisse m'a saisie car je ne savais plus quelle nudité m'accompagnait alors: celle de mes vingt ans, ou celle des os desséchés en partance déjà vers l'au-delà des corps et des amours, et de quels amours vraiment?
Car j'avais beau me répéter des phrases de la terre, rien ne me venait d'aussi vrai que ce ciel au-dessus de ma tête, d'aussi pur que ce silence coronaire, cette mer de sang intérieur, cet envol charnel de l'avion qui ne me contenait point, pas plus que je ne pouvais prétendre être la matrice de ce monde s'évadant par le trou percé de l'horizon.
Alors que retenir de mon court passage ici- bas qui ne soit de sable ni de vent, de silence ni de mot, et même à quoi bon?
Il suffirait une fraction de seconde d'abandonner, de lâcher le souffle, d'ouvrir ses ailes d'oiseau, alors plus rien ne s'ouvrirait que le vide, qui ne serait pas un mot, ni un commencement d'histoire, tout juste un vertige...

© Hélène PHUNG " De la tentation de l'oiseau,ce désir qui chez moi tient lieu d'éternité" Nattages le 20 Juillet 2014, petit texte avant de partir demain vers la mer Adriatique.
Ce soir mon cœur pèse 250 pages exactement. Je les ai écrites en deux mois et demi à peine, puisque j'ai commencé le 20 mars 2014 pour finir le 13 juin de la même année, ce qui peut paraître court, mais il faut dire que j'avais 30 ans de silence à rattraper, un nom retrouvé par hasard sur internet à habiller d'une présence longtemps oubliée, un amour à redécouvrir, et surtout cette longue abs...ence à moi-même: une amnésie à combler.

Comme il est difficile de renégocier le passé, de peupler les béances de sa mémoire d'odeurs, d'images et de paroles,une à une reconquises sur le terreau muet du cœur, de réécrire un scénario déserté.
Mais cela, je l'ai fait, nuit après nuit, mot après mot, tout en gardant le contact avec la vie, avec mon compagnon et mes enfants, avec tous mes amis visibles et invisibles, avec lui, qui me suivait de loin, du bout de ce monde que j'aurais beau parcourir en long et en large, postant des cartes et des photographies, jamais rien ne se rattrape du temps perdu, des mots non prononcés et des actes non accomplis, le destin se joue toujours trop tard, une fois clos son mystère.

Alors on reste pauvre, même si l'on a, à force de persévérance rebâti une vérité: pauvre de soi, délesté du sens profond qu'on aurait tant voulu imprimer à sa vie, et l'on sait que le voleur de ce bien inestimable n'est autre que soi même.

Et moi, je suis plus pauvre que cela encore, puisque je crains d'avoir perdu une deuxième fois celui que je viens juste de retrouver, puisqu'il me faut apprendre le désamour au moment où je viens de toucher du bout des doigts le temps des désirs naissants, puisque ces pages que j'ai enfin écrites, ne feront probablement jamais le livre de ma vie, pour la simple raison que je crains de finir ce qui reste à finir.

Il se peut que ce lieu de suspens reste à jamais mien. Je pourrais planer, tel un oiseau dans cet entre-deux... A mi chemin entre hier et aujourd'hui. Ce qui fut écrit, et ce qui ne sera jamais lu.

Mais non, il me faudra bien clore cela, exister vraiment.
Ajouter de la vie à la vie, fabriquer des souvenirs, pour plus tard, quand il sera temps encore, de se rappeler...
© Hélène PHUNG 17 juillet 2014 - A propos de ce livre que je publierai peut-être-

 

Une nouvelle nuit s'ouvre à moi. Comme tout est plus clair dans le noir, comme la journée qui se couche me ressemble.
Je ramasse des bribes éparses de mon corps, ça fait un silence de plomb tout à l'entour, si dense qu'on dirait ma peau, qui se tend si fort qu'on pourrait en battre le rythme comme d'un tambour de vie se dilatant sans fin.
Mais qui écoute le flux s’écoulant le long de mes vein...es, en connait les mille et une rivières? Qui chante à l'intérieur de moi jusqu'au silence?

Je me lève, je marche dans l'obscurité, j'ouvre la fenêtre, j'écris, si nue sous mon peignoir, que je me sens comme un papillon sans ailes cloué à la page blanche, et le bruit de si peu de vibrations affolées réveille le chat qui traverse la chambre pour s'écouler fluide et sombre dans l'encre noire des étoiles.

Comme je voudrais à mon tour chanter ma chanson de vie, sans faire plus de bruit ni réveiller davantage de mystères que lui, ne rien dissoudre
que le lent écoulement minéral de cet instant , sourde noirceur, au vent des pelages et des danses animales, invisibles écritures. Noir sur noir jusqu'à l'ultime blancheur,celle qui m'accordera enfin le sursis du cœur, organe intime qui viendra tout naturellement s'installer dans ma poitrine, là où pour l'instant ne cogne que le vide.
© Hélène PHUNG " Carnet sans voyage" dans la nuit du 16 juillet 2014-
Ce matin, une joie immense m'envahit, venue de ma poitrine, jaillissant hors de mon corps pour se perdre dans le vert encombrement de mon jardin, elle s'appelle pivoine rose plantée dans les pluies automnales, oubliée dans la terre, et venant juste de s'ouvrir dans la rosée du matin, iris blanc au cœur d'or et d'insectes, toiles d'araignées tissant la lente lumière de mes regards embrumés par une... suave nuit d'insomnie et de rêves d'envol, par- dessus la forêt de mes fourmillements intimes, elle se nomme encore abeille bourdonnante captive des sucs mielleux des lavandes et des actinea gorgés de nuit résiliente, ou bec nerveux du colibri ensuqué de tilleul fondant aux berceuses de mon enfance, hier encore murmurées par ma mère, debout dans le jardin qui l'enterrera, dont déjà elle remue la terre comme un sage, un si amical linceul, mais je sais aussi que cette joie profonde n'a pas de nom, ne se prononce pas, se rêve à peine, se devine ailleurs, ne se pose sur rien, reste suspendue dans l'air, plus légère que le souffle.
En fait ce sentiment incommensurable reste clos sur lui même, il est le jardin avant la semence, l'inspiration avant le souffle, le silence où voyage la parole... © Hélène PHUNG Texte & photographie- 05 juin 2014 -" Le carnet sans voyage-"
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Au détour d'une forêt, une passagère clandestine parfois sourd de ma peau, et s'élance au grand soleil; le bruit de la déchirure intime ne réveille que la souffrance des mots jaillis dans le déploiement des chairs, car je m'entends geindre et grincer comme branche de bois vert au vent des libres chlorophylles. Mais qui donc parle? Demande le pic- vert et chacune de ses questions frappe l'écorce de ma parole, enfin, quelque chose finit par s'envoler de tout cela, et ce n'est ni sève, ni nervure, à peine le vent: tout juste le souffle du chemin qu'il reste à parcourir. © Hélène PHUNG -Carnet sans voyage- 28 Mai 2014 sur une photo anonyme.